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Cas d'école

par Moncef Wafi

La crise du livre scolaire est vraiment un cas d'école, sans jeu de mots, de ce qu'est devenue l'Algérie d'aujourd'hui. Alors que le problème ne se posait guère auparavant en termes de tension, cette année le sujet prend des allures de malaise généralisé. Une semaine après la rentrée des classes, des élèves n'ont pas pu encore acheter leurs manuels scolaires et les responsables du secteur, qui se rejettent la faute, évoquent un autre délai pour satisfaire la demande. Si le manque ne se pose pas pour le troisième cycle, il concerne les manuels des cycles primaire et moyen de la nouvelle génération.

Malgré les promesses de la tutelle et tous les discours lénifiants sur une rentrée tranquille, force est de constater que les vieux réflexes ont la peau dure. Le constat est accablant et on ne peut pas se défausser de nouveau sur les islamo-baathistes complotant pour avoir le scalp de la ministre Benghabrit. Alors que ce sujet devait être résolu avant même le 6 septembre, voilà qu'il dérive dangereusement, menaçant même l'ordre public. Les réseaux sociaux qui se sont emparés de l'actualité rapportent des cas d'agression liés à la distribution des livres scolaires. La faute à qui ? A une absence de cohésion entre le théorique et le pratique. Si on a décidé de réformer le manuel scolaire, il fallait impérativement que la nouvelle formule, quelle que soit sa teneur, soit disponible le jour J en nombre suffisant pour éviter tout débordement.

Mais, c'est cette légèreté dans la gestion de la chose publique qui fait le malheur des Algériens qui payent, en premier et dernier lieu, les pots cassés. Et on ne parle même pas ici de la polémique stérile soulevée par la ministre qui s'essaye à un jeu dangereux et surtout inutile sur la poursuite de sa réforme. Au lieu de s'atteler à résoudre les maux des enfants scolarisés entre matières superflues et conditions précaires, la tutelle engage des bras de fer donquichottesques qui n'ont pas lieu d'être. Les priorités sont ailleurs, dans une véritable réforme de l'école qui commence par celle des esprits et de la gestion.

On ne peut plus se contenter des humeurs des responsables pour tracer l'avenir de cette école qui a fait couler beaucoup d'encre et plus que jamais devant l'échec de toutes les réformettes engagées par les ministres de l'Education, il ne reste qu'à importer, pour ne pas changer, un modèle qui a fait ses preuves. Au lieu de perdre du temps en tâtonnant, prenant l'école pour un laboratoire d'essai et hypothéquant l'avenir de nos enfants, il serait plus judicieux de copier ce qui se fait dans les pays scandinaves, au Japon ou en Corée du Sud en essayant de calibrer tout cela selon nos chères spécificités que le monde nous envie. Peut-être que la mayonnaise prendra forme et qu'on arrêtera de jouer avec la vie de nos enfants.