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Le pape François douche Israël

par Kharroubi Habib

Au grand dam de Benyamin Netanyahu et du gouvernement israélien, le pape François a sur la question palestinienne fait franchir au Vatican un pas que n'ont pas osé faire ses prédécesseurs : la reconnaissance pleine et entière de la Palestine en tant qu'Etat. Aussitôt annoncée la décision du Vatican, Israël l'a condamnée par la voix de son ministre des Affaires étrangères qui a déclaré avoir été «déçu» par cette initiative qui selon lui «ne promeut pas le processus de paix et ne pousse pas les dirigeants palestiniens à reprendre des négociations directes et bilatérales».

Ce spécieux commentaire, les autorités israéliennes l'assènent à chaque victoire diplomatique que remportent les Palestiniens, feignant d'ignorer que les parties qui se décident finalement pour la reconnaissance de l'Etat palestinien le font au constat qu'il n'y a plus lieu de ménager l'Etat sioniste pour la raison que c'est bien lui qui est cause de l'échec du processus de paix. Le geste du Vatican est d'autant décrié par le gouvernement sioniste qu'il émane d'un Etat dont le chef est investi d'une autorité morale dont il ne mésestime pas l'influence.

Depuis son accession au pontificat, le pape François a bâti l'autorité morale qu'il s'est acquise en plaidant avec constance et sans détour les causes des personnes et des peuples victimes de déni ou d'injustice. C'est à son honneur qu'il s'est refusé à ne pas compter les Palestiniens parmi ces victimes. Il lui sera certainement fait reproche par les relais d'influence et de pression de l'Etat sioniste d'avoir pris sa décision en étant mû par une partialité pro-palestinienne. Alors qu'en fait ce pape n'a fait qu'aller au bout de la position du Saint-Siège qui en 2012 s'était félicité de la reconnaissance par l'ONU de la Palestinien en tant qu'Etat observateur en son sein et constate aujourd'hui qu'une majorité de l'opinion mondiale en appelle à une reconnaissance pleine et entière de cet Etat palestinien.

Le Vatican se devait de reconnaître la Palestine en tant qu'Etat et ne pas attendre qu'Israël dicte les conditions à cette reconnaissance qui le satisferaient. D'autant que celle déjà émise par Israël : l'affirmation par les Palestiniens du caractère juif de l'Etat d'Israël, ne peut avoir l'approbation du Saint-Siège pour la raison que ceci reviendrait à admettre que les chrétiens israéliens seront réduits au statut de citoyens de seconde zone.

Les Etats qui hésitent à sauter le pas pour la reconnaissance de l'Etat palestinien au prétexte qu'il faut attendre qu'Israéliens et Palestiniens reprennent le processus de paix et parviennent à un accord, ne paraissent pas avoir été interpellés et choqués de ce préalable mis par Israël à la reprise de ce processus de paix alors que par ailleurs ils n'ont à la bouche que l'impérieuse obligation de «défendre» les chrétiens d'Orient. Le pape François leur démontre qu'il est autrement plus conséquent dans l'action en faveur de cette cause. En reconnaissant l'Etat palestinien malgré le préalable posé par Benyamin Netanyahu, il a tout simplement montré qu'il s'inscrit contre la logique et les arguments qui sous-tendent ce préalable.

En tout cas, ce n'est pas une mince victoire diplomatique qu'obtiennent les Palestiniens avec la reconnaissance par le Vatican de leur Etat d'autant que le pape François a accompagné son annonce d'un geste symbolique fort et parlant à tous les chrétiens : la béatification de deux religieuses chrétiennes palestiniennes. Façon de récuser le prétendu caractère exclusivement juif de cette Palestine devenue par la tromperie et la force l'Etat sioniste d'Israël.