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Bouteflika contraint à faire marche arrière

par Kharroubi Habib

Il insupporte au plus haut point, on le sait, à Bouteflika d'apparaître sensible aux réprobations et contestations s'élevant contre les actes et décisions dont il est ordonnateur et surtout de plier sous les pressions de ceux qui les expriment. Pour ne pas être pris en faute sur ce point, il a toujours ignoré superbement les manifestations s'en prenant à sa gouvernance d'où ses silences méprisants même quand elles se font féroces et gravement accusatrices.

Dans l'affaire de l'exploitation du gaz de schiste qui alimente une controverse enflammée dans le pays et donne lieu à des manifestations populaires non-stop dans la région d'In Salah réclamant l'abandon du projet, il a été toutefois contraint de déroger à sa ligne de conduite. Que l'on ne s'y trompe pas, le Conseil interministériel « restreint » consacré au sud et aux hauts plateaux du pays qu'il a présidé mardi a bel et bien été convoqué par lui sous la pression des développements de la situation inquiétante qui prévaut à In Salah et en passe de s'étendre à l'ensemble de la région sud du pays. Bouteflika a bel et bien été contraint de sortir de la réserve « tactique » qu'il observait pour s'impliquer personnellement au constat que les responsables étatiques en charge du dossier ont échoué à désamorcer la levée de boucliers mobilisant la population de la région contre l'exploitation du gaz de schiste.

Dans le communiqué rendu public à l'issue de la réunion du Conseil interministériel restreint de mardi, la question de l'exploitation du gaz de schiste est apparue noyée au milieu d'un développement censé donner à comprendre que le chef de l'Etat et les autres participants ont débattu des problèmes du Sud algérien d'une manière globale et non à la lumière de la situation qui prévaut à In Salah. Les manifestants d'In Salah, l'ensemble de sa population en fait, ne vont pas être dupes du subterfuge qui consiste à donner à croire que son mouvement de protestation contre l'exploitation du gaz de schiste est soluble par la satisfaction d'autres revendications qu'elle aurait pu effectivement rajouter dans son cahier de doléances.

Elle retiendra surtout que le Président qu'elle a interpellé n'a pas répondu sans équivoque à ce qu'elle lui a demandé, à savoir déclarer officiellement l'abandon du projet d'exploitation du gaz de schiste et l'arrêt des forages exploratoires entamés dans la région. Bouteflika s'est contenté d'affirmer sur le sujet que « l'exploitation du gaz de schiste n'est pas encore à l'ordre du jour ». Affirmation qui laisse par conséquent sous-entendre qu'elle peut le devenir. Tout en ayant fait dans l'équivoque sur le projet auquel la population d'In Salah s'oppose, le chef de l'Etat a fait dans le rassurant à l'égard de celle-ci en promettant que la décision finale et définitive sur la question n'interviendrait qu'après un débat national « transparent » avec la participation des compétences reconnues qu'il a demandé au gouvernement d'initier.

En reconnaissant enfin la nécessité d'un débat national sur un sujet aussi controversé, le chef de l'Etat a admis à son corps défendant qu'en l'occurrence il a échoué à faire passer en force le projet gouvernemental. Reconnaissance ne voulant pas dire pour lui qu'il s'est rangé aux raisons des anti-exploitation du gaz de schiste. C'est probable concession pour endormir la mobilisation populaire et se ménager le temps de faire imploser le mouvement de contestation qu'elle a généré.