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Casser le thermomètre ?

par M. Saadoune

Une union des associations des parents d'élèves est légitimement concernée par ce qui se passe dans les écoles et les lycées et être amenée à prendre position. Et elle le fait souvent dans un secteur qui a connu - et connaît encore - beaucoup de turbulences. Critiquer les grèves longues et à répétition dont l'impact sur le cursus des élèves est réel n'est donc pas une hérésie. Leur rôle consiste aussi à rappeler aux syndicats qu'ils ne sont pas, avec le ministère, les seuls concernés.

Les usagers de l'école ont parfaitement le droit de dire qu'une grève a trop duré ou qu'elle menace l'année scolaire de leurs enfants. Ils sont de ce fait utiles même pour les syndicats, lesquels doivent aussi comprendre quand il faut arrêter une grève. Et qu'ils n'ont rien à gagner à se mettre à dos les parents d'élèves. Comme dans beaucoup de situations, il faut apprendre à mettre le curseur à la bonne place. Le président de l'Union des associations des parents d'élèves a choisi de le placer à la mauvaise place en préconisant purement et simplement l'interdiction du droit de grève dans le secteur de l'éducation. Cette mesure liberticide radicale est assortie d'une proposition de «pacte éducatif» entre le ministère et les syndicats. Une sorte d'habillage destinée à faire passer une très grosse pilule que même le gouvernement n'ose pas administrer.

L'argumentaire du président de l'association des parents d'élèves est que le secteur éducatif est «vital» et a une mission de service public. Et par conséquent, il faudra appliquer les dispositions limitatives de l'art 57 de la Constitution qui consacre le droit de grève tout en précisant qu'il s'exerce dans le cadre de la loi qui peut «en interdire ou en limiter l'exercice dans les domaines de défense nationale et de sécurité, ou pour tous services ou activités publics d'intérêt vital pour la communauté». Le président de l'Union des associations des parents d'élèves - il y a des enseignants parmi eux, sans le moindre doute - prend le risque de se faire accuser de se faire l'écho de démangeaisons répressives des autorités. Il crée, inutilement, une animosité avec les syndicats et à travers eux les enseignants, qui sont incontournables dans tout effort visant à améliorer la qualité du service de l'éducation.

Il est clair que le recours à la grève est une situation censée n'arriver qu'après épuisement des négociations et impossibilité de trouver une solution. La grève ne se solde pas forcément par des victoires. Mais sans ce droit de grève reconnu dans la Constitution, il ne peut y avoir de syndicats. Sauf des syndicats maison. Les enseignants algériens se sont longtemps battus pour être reconnus et mettre fin au monopole politique de l'UGTA. Les grèves ont été un des moyens de combat pour arracher cette reconnaissance. L'appel du président de l'Union des associations des parents d'élèves à interdire le droit de grève est contreproductif. Par pragmatisme, le gouvernement ne devrait pas le suivre car le droit de grève est déjà sévèrement encadré avec des syndicats qui assument des responsabilités. Une interdiction, qui sera inévitablement vécue comme une tentative de liquider les syndicats, ne fera qu'encourager des grèves sauvages. C'est une très mauvaise idée. Comme de croire que casser un thermomètre fait tomber une fièvre ou disparaître une maladie.