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Retour de bâton

par M. Saadoune

Le pseudo-calife du Daech n'est pas mort et il l'a fait savoir au monde par une cassette audio où il menace le monde entier. Rien de nouveau dans la rhétorique ultra d'un groupuscule transformé, par accumulation des manipulations externes, en acteur de masse qui se prend pour un «Etat» et entend même frapper sa propre monnaie. On ne dira jamais assez que ce sont les Américains qui ont ouvert l'autoroute au Daech et à cette situation désastreuse en détruisant l'Etat irakien. Combiné avec la guerre syrienne, toute la zone est devenue hautement explosive.

Aujourd'hui, un peu tardivement, les Saoudiens prennent langue avec le gouvernement irakien. Ils ont accepté de surseoir à l'application de la peine de mort contre un dignitaire chiite à la demande de Rafsandjani. Tous les Etats de la région découvrent que le Daech est une menace pour eux alors qu'ils ont tous contribué, de manière directe ou non, à sa montée en puissance. Les religieux saoudiens qui ont alimenté la haine des chiites devront-ils être surpris d'entendre le chef du Daech décréter que l'Arabie Saoudite est la «tête du serpent» qu'il faut attaquer. On n'alimente pas pendant des décennies une vision bornée et haineuse sans en recevoir, à un moment ou un autre, un effet en retour.

Certes, le pseudo-calife qui a décidé d'enrôler obligatoirement dans son armée les Irakiens qui vivent dans les territoires qu'il contrôle, a développé une vision expansionniste. Sa «carte» est large, elle va jusqu'au Maghreb, l'Afrique et même l'Andalousie. Mais au-delà de cette rhétorique qui peut paraître démente, le message contient une menace sérieuse pour l'Arabie Saoudite. Le terrain est fertile dans ce pays où des générations entières sont déjà formatées à l'idéologie sommaire du Daech. Le discours du Daech, c'est ce qui a été constamment enseigné et martelé par l'establishment religieux officiel. Le «califat» est une sorte de «réalisation» par l'absurde de cet ?enseignement' qui a disposé des moyens extraordinaires pour s'étendre et refaçonner la manière de vivre la religion dans l'ensemble du monde arabo-musulman.

Géographiquement, c'est bien l'Arabie Saoudite qui est la plus proche du «califat» et donc la plus susceptible d'être attaquée. Les dirigeants saoudiens ne l'ignorent pas puisqu'ils ont mobilisé trente mille hommes à la frontière avec l'Irak. Ce sont des actions d'urgence mais les dirigeants saoudiens font face à un grave problème : la jeunesse formatée du pays est en «empathie» et en «sympathie» avec le Daech. De très nombreux Saoudiens ont rejoint le Daech, beaucoup pourraient être tentés d'agir sur place. D'autant que l'autre volet du discours du «calife» reprend à son compte en la radicalisant l'instrumentalisation de la haine sectaire en œuvre depuis au moins trois décennies. Il a appelé à tuer les chiites «là où vous les trouvez» ! On est dans un sinistre accomplissement. Les peuples de la région sont littéralement pris au piège d'une mécanique de la haine mise en place sur des décennies et dont le Daech en est l'expression. Ce califat n'a pas d'avenir. Mais il n'en laisse pas beaucoup aux peuples de la région où on cherche, en vain, le début d'un cycle vertueux.