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Crise de la monarchie élective

par Kamel Daoud

Bon signe ou mauvais signe ? Ali Haddad aurait acheté un avion. C'est bon signe si on veut être Président. Mauvais signe si on se souvient de Khalifa. C'est l'anecdote du jour. Pour le reste, c'est la fascination: comment va évoluer la situation algérienne ? Perplexité. La mutinerie des policiers a été un cas d'école pour le sens collectif. D'un côté les Algériens, beaucoup, étaient favorables. C'est une vieille solidarité de salariés (ou pas): quand quelqu'un demande une augmentation de salaire, on l'approuve même si on ne l'aide pas. Mais d'un autre côté, beaucoup d'Algériens n'approuvaient pas: il s'agit de policiers qui vont venir frapper les autres qui vont venir demander des salaires, comme eux. En Algérie, face au régime, c'est chacun pour soi. Avec de meilleurs salaires, les policiers vont frapper plus fort, plus violemment et seront plus obéissants au pouvoir. Donc méfiance.

D'où ce cas fascinant: les mouvements sont nombreux, mais se désamorcent vite, à l'instant exact où ils peuvent devenir une révolution. Sauf que dans le cas algérien, c'est encore plus complexe: la Présidence est vide. Dégage ? Oui, mais contre qui ? Un clip ENTV ou un montage TV ? C'est unique: on ne peut pas renverser un Président qui n'est pas là. Pour faire un coup d'Etat, il faut un Etat et pas seulement un coup.

Au final, les policiers se sont soulevés pour eux-mêmes et en prenant soin de ne pas se mêler au peuple. C'est un conditionnement profond chez les corps constitués: il y a eux, gardiens tuteurs du pays, et il y a la plèbe. En algérien, on dit «chaa3bi». Plébéien. Pas civil. Mais en même temps, c'est troublant: Comment définir désormais le régime algérien ? Son Président est absent et n'est visible que par effet de contraste optique avec un Emir du Golfe assis à côté. Ses «Services» sont dissous, ses corps constitués et bras à matraque le menacent, son armée est démissionnaire ou occupée à surveiller les frontières, son gouvernement est disparate, ses ministres sont fourbes ou hallucinés par les chiffres. Qui est le régime donc ? L'avion de Haddad ? Le frère de Bouteflika ? La Régence de Sellal ? L'ambition de Belaïz ? L'option Hamel ou la stratégie Tewfik ?

Il y avait du tragique, du loufoque dans cette image de centaines de policiers amassés au portail d'un Palais vide. Cela résume tout.

Le régime n'est plus qu'un courant d'air. C'est pourquoi, acheter un avion est une bonne idée.

Quant au titre, il vient des anciennes chroniques de la Régence d'Alger: définition de ce régime où des janissaires choisissaient un dey qui avait les pouvoirs d'un roi et les faiblesses d'un élu et qu'ils tuaient quand il les payait mal.