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Dire Ghaza en Algérien

par K. Selim

Bouteflika a appelé les Algériens à se montrer généreux avec les Palestiniens face aux «crimes abominables» d'Israël. On sait que dans ce domaine, les Algériens n'ont pas besoin d'être incités. Les Algériens, ceux qui n'oublient pas ce que veut dire l'oppression coloniale, expriment de manière constante et multiforme une solidarité politique et morale aux Palestiniens. Pour cette énième agression contre Gaza, ils ont, au contraire, reproché aux autorités de les empêcher de dire, dans la rue, au monde et principalement à ceux qui soutiennent Israël, leur colère devant le massacre.

Certes, l'attitude officielle algérienne n'était pas déshonorante mais elle n'était pas non plus très affirmée. Pas autant que l'aurait souhaité l'écrasante majorité des Algériens en attente de plus de vigueur dans l'expression. Beaucoup trouveront dans la lettre, un peu tardive, du président Bouteflika, lue jeudi par un conseiller à l'ouverture du festival de Djemila, un retour à un discours militant conforme à l'histoire de l'Algérie et de son combat. La condamnation des « crimes abominables» d'Israël, de l'occupation de la terre « parcelle après parcelle» est sans équivoque. L'injustice de la situation et des moyens faisait qu'il ne s'agissait pas d'une guerre mais d'une entreprise d'écrasement et de destruction qui visait la volonté des Palestiniens. C'est ce qui explique la vague de solidarité qui s'est exprimée dans le monde, pas seulement «islamique» ou «arabe».

 Ghaza, c'est là où le cœur de la terre bat, a expliqué simplement et justement le médecin norvégien le Dr Mads Gilbert. Il n'est pas sans importance de ce fait qu'au plus haut sommet de l'Etat s'exprime un point de vue algérien ferme sur la barbarie en œuvre à Ghaza avec l'appui des «civilisés». De très nombreux Algériens cosigneront sans hésiter la teneur du message sur Ghaza. Ce sont des mots justes, justifiés et qui méritaient d'être dits. Mais ils sont tout aussi nombreux à regretter qu'ils n'aient pas été dits au tout début de l'agression. Les Algériens, comme les autres opinions publiques dans le monde, ont été réceptifs à toutes les prises de position qui se sont exprimées. Les positionnements des dirigeants latino-américains ont eu un grand impact. Les discours puissants de Tayyip Erdogan, même crédités d'être liés à sa campagne électorale, ont fait un grand effet.

C'est une ère où les médias et la communication font partie de la guerre et des combats. On n'a pas à conseiller le pouvoir algérien sur sa manière de gérer une communication rendue encore plus problématique avec une présidence absente. Mais tous ceux qui ont suivi et soutenu le courageux combat des Palestiniens savent que la prise de position, exprimée jeudi, aurait eu infiniment plus d'impact si elle avait été faite au tout début. Les responsables algériens ont tendance à l'oublier : beaucoup dans le monde continuent de voir notre pays sous l'aura de sa révolution, du caractère juste et universel de son combat. Il faut savoir, malgré les vicissitudes et les doutes, être à la hauteur de ce respect. Merci à M. Bouteflika de demander aux Algériens d'être généreux avec les Palestiniens. Mais beaucoup l'auraient encore plus remercié s'il avait dit ces mots, très algériens, au moment où le carnage se menait méthodiquement avec le soutien des Occidentaux et aussi d'autres capitales. Mieux vaut tard que jamais ? Peut-être. Mais, il faut apprendre à faire les choses à temps. Au moment où Ghaza en avait le plus besoin.