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DEFIANCE ET SURDITE

par K. Selim

C'est le chiffre officiel de l'abstention le plus élevé des scrutins présidentiels organisés depuis 1995.

Le parti de l'abstention qui n'appartient pas aux «boycotteurs» est définitivement et sans contestation possible le plus grand «gagnant» du scrutin du 17 avril. Même s'il est considéré comme « gonflé» par les opposants, le taux de 51,70% de participation relativise amplement la victoire de Bouteflika. Le vote reste très largement limité à l'électorat traditionnel du régime qui vote pour le candidat sortant.

Ali Benflis a dénoncé la fraude. Il lui reste à préciser son accusation. Pour ceux qui ont refusé de «jouer», la fraude est d'abord et avant tout instituée par un régime qui verrouille l'espace public et médiatique pendant des années pour ne l'ouvrir qu'à quelques semaines des élections. Une fausse vie politique ne pouvant engendrer de vraies élections, c'est une évidence. Ali Benflis ne l'ignorait pas, il a fait le pari que la crise au sein du régime et le choc provoqué par la candidature d'un homme amoindri par la maladie lui ouvrait un boulevard. Il est réduit, une fois de plus, à jouer le «lièvre principal». La seule possibilité de bousculer les lignes était de convaincre les Algériens de ne pas bouder les urnes. Une véritable gageure pour ceux qui observent la constante abstentionniste des Algériens lors des élections.

Ali Benflis devait convaincre le parti des abstentionnistes, très largement majoritaire, que le vote en valait la peine. A l'évidence, c'est un échec. L'appel à la participation était d'ailleurs le seul point commun de Benflis avec Bouteflika et les autres candidats. Ces appels qui ont joué sur tous les registres, y compris sur celui de la «peur» et de la «menace étrangère», sont restés sans effet. Les Algériens boudent les urnes et envoient un message net au régime. Et il n'est pas difficile à décrypter : les Algériens n'accordent pas de crédit à «l'offre politique» qui existe actuellement. Ils ne croient pas que l'élection est, comme c'est le cas dans une démocratie, un mécanisme qui permet de sanctionner et de changer les gouvernants en fonction de leur bilan. Ils ont compris qu'il s'agit d'une formalité que le régime organise régulièrement et ils sont nombreux à ne plus y participer.

LES CHIFFRES OFFICIELS, CONTESTES, NE PEUVENT PLUS, SOUS PEINE D'INVRAISEMBLANCE, SE PERMETTRE D'IGNORER CETTE TENDANCE STRUCTURELLE. MAIS LES TENANTS D'UN REGIME, DONT LE NIVEAU D'IMPOTENCE EST DEVENU LA VRAIE MENACE POUR LA STABILITE DU PAYS, SONT-ILS PRETS OU APTES A FAIRE LA BONNE LECTURE ? LE 17 AVRIL N'A PAS ETE UNE FETE DE LA DEMOCRATIE, PERSONNE N'Y CROYAIT. C'EST UNE ELECTION QUI NE CHANGE RIEN AU PROBLEME D'UNE ALGERIE DONT LE DYNAMISME ET LA CREATIVITE SONT ENTRAVES PAR UNE GOUVERNANCE IMMOBILE ASSISE SUR UNE REDISTRIBUTION INEGALITAIRE DE LA RENTE ET, QUAND C'EST NECESSAIRE, SUR LA REPRESSION. LES PROBLEMES SERIEUX DU PAYS NE SONT TOUJOURS PAS TRAITES ET OBERENT SON AVENIR. CET ABSTENTIONNISME STRUCTUREL MARQUE TRES CLAIREMENT UNE PERCEPTION GENERALE QUE LE VOTE NE SERT QU'A VALIDER LE STATUQUO. C'EST BIEN LE MESSAGE LE PLUS FORT MEME SI LES TENANTS DU STATUQUO FONT LES SOURDS POUR NE PAS L'ENTENDRE.