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La blague Hollande et la facture de Val-de-Grâce

par Kamel Daoud

Bien sûr, c'est le jour des réactions. Après la blague du Président français sur le pays, plusieurs conclusions s'imposent.

D'abord, il semble que la France soit passée du Président canaille au Président idiot. Ce pays slalome désormais entre l'idiotie et le cas du voyou. Au contraire de l'Algérie où on a un président malade et un régime en bonne santé, la France (politique) est un pays malade avec un Président bien portant, rond et souriant.

Ensuite, il y a le naturel : on le chasse et c'est Hollande qui revient au galop. Il exprime, malgré lui, le fond de la vision qu'a la France politique sur une ancienne colonie : malveillante, mauvaise et primaire. Il y a la France et il y a la barbarie. Dans la barbarie on va prendre les figues et l'argent, mais c'est au CRIF qu'on se détend entre amis.

Ensuite, il y a la réaction algérienne. Le réalisme, le pragmatisme, l'enjeu des contrats, la proximité et les capitaux, empêchent que l'on réponde à la blague par la sévérité. Le réel impose sa mesure et oblige de baisser le drapeau et le pantalon. L'Algérie est faible et dépend encore plus de la France après l'indépendance qu'avant. Le pragmatisme est une loi et l'hymne n'est qu'un poème. La réaction officielle, si une nuit a été vigoureuse, elle a opté pour la pondération le lendemain de la cellule de crise. C'est selon les moyens. Selon Georges Washington, un sac vide ne tient pas debout ; un sac à moitié vide tient à moitié debout donc. On a beau s'indigner de Lamamra, il n'est que l'expression du bras sans os qui nous gouverne.

De notre économie faible, de notre idéologie de fatwas, de nos manques de compétences, de nos errances. A pays faible, réaction molle.

Ensuite ? Ensuite que peut (variation sur un proverbe connu) le malade entre les mains du laveur de cadavres ? Par son choix de se faire hospitaliser en France, l'actuel président nous a affaiblis, a transformé le coup d'éventail en cou de mouton tendu. On dépend d'un homme qui dépend d'un dossier médical qui dépend de la France.

Aujourd'hui que l'on se fait insulter, on ne peut officiellement que grimacer. L'épisode Val-de-Grâce est notre défaite qui va durer et notre talon d'Achille. Le Français Hollande peut aujourd'hui se permettre la plaisanterie qui était impossible avec Chadli qui s'est fait hospitaliser en Belgique, ou avec Zeroual malade en Suisse ou Boumediene en URSS. On paye un choix. Et à la fin ? Cela fait mal mais c'est aussi l'expression du piège de l'hyper nationalisme de propagande. On a gonflé ce peuple à l'hélium quand il s'agit du Maroc, comme disent les internautes, ou pour attaquer des opposants internes traités de harkis ; aujourd'hui, l'émotion veut la même dose de bravade. A assumer donc ce peuple que l'on a nourri à la bataille d'Alger sans fin. Après la balle de novembre, le plouf de décembre. C'est ainsi. Avant de demander à Lamamra de dire mieux, il faut un pays qui fait mieux et un président en bonne santé.