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Tardif mais édifiant aveu de Laurent Fabius

par Kharroubi Habib

Il y a quelques jours, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est avisé que l'opposition syrienne «modérée» que son pays s'est empressé de reconnaître en tant que «représentante unique et exclusive du peuple syrien» est confrontée à de «sérieuses difficultés». Aveu étonnant de la part d'un chef de diplomatie qui jusqu'à récemment balayait hautainement toutes les mises en garde avertissant que cette opposition «modérée» est une utopie sur laquelle il est illusoire de bâtir la solution qui contribuerait à l'arrêt du conflit syrien.

Fabius a été forcé d'en convenir au constat que cette opposition n'a pas seulement de «sérieuses difficultés» mais qu'elle a été totalement laminée sur le terrain par les autres protagonistes du conflit armé. Il a été incontestablement un temps dans ce conflit où l'opposition «modérée» aurait pu prétendre à un rôle déterminant dans sa résolution. Ses propres contradictions internes ont été son handicap, auxquelles se sont surajoutés les encouragements et pressions l'ayant poussée à rejeter toutes les ouvertures que le régime de Damas a esquissées en sa direction. La France a été dans le peloton des puissances qui l'ont «conseillée» dans ce sens.

L'amère réalité du terrain en Syrie démontre que si le conflit armé a redoublé d'intensité, l'opposition «modérée» a elle perdu toute visibilité au profit des groupes armés djihado-salafistes qui ne la reconnaissent plus pour alliée et font le coup de feu autant contre les partisans du régime que contre ses combattants dont les rangs se sont pratiquement volatilisés. Parler de «sérieuses difficultés» pour qualifier la situation de cette opposition «modérée», c'est user d'un euphémisme pour ne pas reconnaître qu'elle est en fait «hors course» pour ce que sera la Syrie à l'issue du conflit.

Avant que Fabius n'en vienne à admettre que l'opposition sur laquelle son pays a tablé dans le conflit syrien est une «branche morte», les Américains ont plus directement reconnu qu'ils se sont fourvoyés en lui accordant le label d'acteur déterminant dans la lutte contre le régime de Damas et celle appelée naturellement à accéder au pouvoir à la chute de ce régime qu'ils ont cru rapide et inéluctable. Paris et les Occidentaux découvrent tardivement l'inanité des illusions qu'ils ont fondées sur cette opposition et l'impossibilité pour eux de se rabattre sur un plan «B» pour ce qui est de la résolution du conflit. Où qu'ils se tournent c'est pour constater qu'ils ont perdu la main et que ce qui sortira de ce conflit fuira les desseins qu'ils ont nourris en prenant fait et cause avec la rébellion contre le régime de Bachar El-Assad.

Si en acceptant tardivement le principe de la conférence de paix de Genève II ils espèrent remettre le pied à l'étrier à cette opposition modérée, ils font là aussi un mauvais calcul car la situation sur le terrain a totalement disqualifié leur «protégée». La conférence pourrait effectivement avoir lieu et l'opposition modérée y soumettre des propositions. Sauf que le temps d'un arrangement politique entre elle et le régime est passé car le conflit syrien ne se règlera désormais que militairement. Sur ce terrain, l'opposition «modérée» est laminée, contrainte d'assister impuissante au bras de fer auquel se livrent le régime et les groupes djihado-salafistes qui l'un et les autres ne la considèrent plus comme une partie ayant voix au chapitre dans la lutte à mort qui est en train de décider du sort de la Syrie.