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DILAPIDATION

par M. Saadoune

La grève des enseignants a pris fin, hier soir, dans la torpeur ambiante et dans la confusion. Plus de trois longues semaines de bras de fer pour aboutir à une issue qui ne satisfait au fond personne. Dans ce genre de mouvement social, les autorités partent en général avec un handicap lourd, les grèves se déroulant sur fond de problèmes endémiques de gestion et de fuites en avant qui ne sont pas imputables aux enseignants ou aux syndicats.

Le système éducatif est littéralement noyé dans des difficultés inextricables aggravées par le fait qu'on n'ose pas faire le bilan de la «réforme» qui lui a été administrée sur au moins deux décennies. Tout cela donne l'apparence d'une construction bancale qu'on essaye de maintenir vaille que vaille plutôt que de s'engager dans un diagnostic qu'on présume globalement négatif. Sauf si, comme de coutume dans ce pays, on balance les suites de chiffres en nombre d'élèves inscrits et en milliards de dinars dépensés. Comment sont formés ces élèves et comment sont dépensés - et pour quels résultats ? - les milliards de dinars, voilà un sujet trop dangereux pour un système trop malade. Tout cela, les Algériens le savent ou le sentent. Et ils savent aussi que le dialogue social n'est pas le fort des responsables durant les périodes «tranquilles» et qu'ils ne le découvrent que durant les mouvements de grève.

On a donc un contexte amplement suffisant pour légitimer, a priori, les mouvements revendicatifs chez une majorité d'Algériens. On comprend dès lors que devant un mouvement de grève «dur», le souci d'un ministre est de chercher à en finir rapidement en usant de tous les moyens y compris de l'arme judiciaire. Et quand il trouve la faille, il ne se gênera pas de s'y engouffrer et d'en user. Le syndicat, lui, démarre avec un apriori positif, les Algériens ayant tendance à donner raison au présumé faible contre le représentant de l'autorité. Et de manière générale, ils estiment qu'il faut que les enseignants soient mieux considérés afin de les motiver. Ce sont, pensent-ils, à juste titre, des acteurs centraux de l'école et il serait vain d'espérer la rendre meilleure sans eux et encore moins contre eux.

A charge pour les syndicalistes - et les grévistes - de ne pas s'aliéner les usagers, de savoir communiquer et, c'est classique, de savoir arrêter à temps. Or, il est patent qu'au fil des jours, le Cnapest n'a pas mesuré que la sympathie de départ se muait en inquiétude puis en exaspération voire en hostilité. Le syndicat a décidé de suspendre la grève en raison de cette montée de l'exaspération des parents d'élèves que les responsables ont clairement exploitée. Certes, le syndicat obtient la réintégration d'un des siens exclu pour ses activités syndicales - et dès le début le ministère s'est dit prêt à reconsidérer la décision - mais le bilan est bien maigre. Le capital de sympathie a été fortement dilapidé au cours de ce mouvement. Et quand le coordinateur du Cnapest affirme que le seul souci des parents d'élèves est de voir leurs enfants être «gardés» dans des établissements et ne sont pas intéressés par les études, il verse dans l'absurde.

TOUS LES ELEVES D'ALGERIE NE SONT PAS DES «ENFANTS DE COUPLES QUI TRAVAILLENT» QUI VOIENT DANS L'ECOLE UNE « GARDERIE». ET LA PLUPART DES PARENTS, MEME QUAND ILS N'ONT PAS LA FORMATION ET L'INSTRUCTION NECESSAIRES, SONT SOUCIEUX DE LA SCOLARITE DE LEURS ENFANTS. AU JEU DES EXPLICATIONS FACILES ET ACCUSATOIRES, LES PARENTS D'ELEVES POURRAIENT EN SORTIR DES MASSES A L'EGARD DES ENSEIGNANTS. LES DIRIGEANTS DU CNAPEST - C'EST UNE HABITUDE SYNDICALE - DRESSERONT SANS DOUTE UN BILAN «POSITIF» DE LA GREVE. MAIS EN REALITE ILS L'ONT MAL GEREE. C'EST UN GACHIS. LA PROCHAINE GREVE - PEU IMPORTE QUAND ELLE AURA LIEU - EST DEJA IMPOPULAIRE.