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Quand la presse française nous explique Poutine et la Russie

par Kharroubi Habib

S'en tenant à des poncifs aussi lapidaires que dévalorisants qu'ils se sont forgés sur la Russie et son président, les médias français favorables à une intervention militaire occidentale contre le régime syrien n'ont eu de cesse depuis que celle-ci a été envisagée de marteler à leur opinion nationale que la fermeté avec laquelle le Kremlin s'oppose à cette option n'était que posture passagère et qu'il y sera renoncé dès que l'Amérique et la France auront fait comprendre à Poutine que les «rodomontades» russes ne les impressionnent nullement.

Washington et Paris ont, il est vrai, monté la pression sur Moscou en s'adonnant à des préparatifs militaires dont ils ont espéré qu'ils auront un effet convaincant sur Poutine de leur détermination à «punir» son allié syrien et l'amener à le lâcher. Sauf que face aux pressions américano-françaises, le président russe ne s'est pas départi de sa position initiale et a fait comprendre à Obama et Hollande qu'ils se méprenaient dangereusement en essayant de la lui faire changer. Au final et à la confusion « ahurie» des médias français précités, c'est Obama qui a baissé pavillon au constat que Poutine et la Russie n'allaient pas se laisser humilier et laisser faire l'Amérique en Syrie où la Russie a des intérêts géostratégiques et économiques qu'en acceptant de perdre sans réagir cela reviendrait pour elle à prouver au monde qu'elle n'est pas la grande puissance qu'elle affirme être.

Les médias français ne digèrent pas que Poutine soit parvenu à imposer la Russie comme passage obligé à un règlement de la crise syrienne et qui plus est a réussi à l'évidence à convaincre son homologue américain que la recherche de celui-ci ait lieu dans des concertations bilatérales russo-américaines excluant le président français et la diplomatie de son pays. Ce qui les fait enrager et recourir à une propagande anti-russe et anti-Poutine aux développements frappés du sceau de l'hystérie.

Ils s'adonnent en boucle à des analyses de la position de la Russie et de son président dont ils assument imperturbables la légèreté ridicule. Ridicule et méprisable car réduisant cette position à l'expression d'une solidarité entre deux régimes et deux présidents de nature «dictatoriale et liberticide». Ils évacuent comme une impossibilité consubstantielle à la Russie et à Poutine que sur la crise syrienne Moscou soit du côté du droit international et que ce sont Washington et Paris qui le piétinent en voulant entreprendre une action militaire contre le régime syrien sans feu vert de l'institution mondiale, l'ONU qui en est la source et le garant.

Que la position de Moscou a l'approbation de la majorité écrasante de la communauté internationale et des opinions mondiales, cela n'est pas comparable à leurs yeux du moment que Poutine n'est pour eux qu'un «dictateur» qui se moque du droit international et que Hollande et Obama sont d'altruistes et humanistes hommes d'Etat dont les actes et les décisions n'ont de but que «la protection et la libération» du peuple syrien. Ce poncif qui traduit leur parti pris pour l'hégémonie occidentale dans la conduite des affaires du monde, leur a fait également ignorer la déclaration du pape François qui a fustigé les «va-t-en- guerre» en les accusant de faire le jeu des complexes militaro-industriels.

Il ne faut pas enfin négliger qu'en s'en prenant à ces empêcheurs d'entrer en guerre contre le régime syrien que sont Poutine et la Russie, ces médias manifestent la frustration qu'ils ressentent de les voir déjouer un plan d'agression dont le but final et de néantiser le dernier Etat de la région dont l'existence fait obstacle au projet américano-sioniste de réduire l'ensemble du monde arabe à un conglomérat sans solidarité d'entités basées sur l'appartenance ethnique ou à un courant de la religion musulmane.