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IMPASSE ROYALE

par K. Selim

Le roi du Maroc est dans la pire des situations possibles : être accusé de complaisance à l'égard de ces étrangers qui viennent s'offrir du «plaisir» sur les enfants marocains. La pédophilie, pratiquée essentiellement par des touristes occidentaux, est une plaie au Maroc. Pour les enfants, bien entendu, premières victimes directes de ces prédateurs fortunés qui trouvent souvent des réseaux sur place très bien protégés pour leur servir les proies.

Pour les familles pauvres qui sont également une cible de ces entremetteurs. Mais aussi pour les Marocains en général qui souffrent, ce n'est pas nouveau, de cette complaisance politique de l'Etat marocain à l'égard des riches pervers blancs qui «adooooooooorent le Maroc !».

Avec le Daniel Gate, le roi du Maroc et ses proches courtisans, habitués à la flagornerie de la classe politique traditionnelle et méprisants à l'égard du Maroc associatif ou le Maroc de réseaux, ne se sont même pas rendu compte qu'ils ont franchi toutes les limites. Quand on a un sentiment de pouvoir absolu, on ne mesure pas les conséquences de ses actes. Pour le roi et ses conseillers les plus proches - ce qui est strictement la même chose - relâcher un pédophile pour complaire aux services espagnols est un «bon investissement». Les familles des victimes de ce prédateur - l'un d'eux avait quatre ans ! - devaient se taire devant les «intérêts supérieurs» de la monarchie ! Les Marocains aussi !

Il y a eu cependant quelque chose qui n'a pas marché dans l'autoritarisme huilé de la monarchie. Les partis ont beau être aux abonnés absents, le gouvernement islamiste a beau s'exécuter en silence, le parlement marocain a beau ne pas réagir, l'information a circulé. Le pire est qu'il ne pouvait en être autrement ! Le procès de Daniel Galvan Fina a été suivi avec intensité par les médias tant les faits qui lui sont reprochés sèment l'effroi. Ce nom, une nouvelle identité probablement à un agent irakien des services occidentaux durant la guerre contre l'Irak, est devenu un symbole hideux. La justice a fait son travail. Sans complaisance en condamnant le pédophile à trente ans de prison. C'était une première au Maroc, une peine lourde qui pouvait être, enfin, un signal que le tourisme sexuel barbare sera combattu.

Les sherpas qui pensent pour Mohammed VI n'ignoraient pas qui était Daniel Galvan Fina. Ils savaient comme les parents de victimes et comme beaucoup de Marocains que c'était un immonde violeur d'enfants. Mais ces sherpas avaient aussi le souci de «profiter» politiquement des protecteurs espagnols du violeur. Entre le respect de la dignité des Marocains et le «gain politique» escompté, ils ont choisi le gain. Mais ce qu'ils n'ont pas prévu est que malgré la machinerie du Makhzen, l'information allait circuler. Ils n'ont pas prévu - apparemment cela est trop loin de leur culture - que la dignité blessée des Marocains allait se transformer en colère contre le monarque. Ils n'ont pas prévu que ce geste qu'ils croyaient «anodin» allait remettre au goût du jour le combat pour mettre fin à un système où le «roi fait ce que bon lui semble» ! Mohammed VI pourrait sacrifier le chef de ses sherpas, le spécialiste de l'intrigue Fouad Al Hima, mais il aurait tort de croire que cela suffira à des nombreux Marocains. La libération du pédophile a été un acte de mépris violent pour beaucoup d'entre eux. Et même si la répression fonctionne, ils ne l'oublieront pas.