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«NOUS NE LAISSERONS PAS ASSASSINER NOTRE REVOLUTION»

par K. Selim



La Tunisie reste, malgré les tentatives criminelles qui cherchent à faire exploser la transition, le pays où le processus démocratique dispose du plus grand potentiel de réussite. C'est en raison du potentiel de réussite de ce processus consensuel que certains par des visions courtes, par sectarisme pour ne pas dire plus œuvrent à essayer de déstabiliser le pays. Les salafistes djihadistes, bien sûr, ont été depuis des mois le vecteur principal de ces tentatives. Mais d'autres forces s'y attellent aussi avec des convergences on ne peut plus suspectes entre l'extrême-gauche et les hommes du régime de Ben Ali. Le tout sur fond d'un discours «éradicateur» anti-Ennahda qui n'arrive pas à s'imposer en Tunisie en raison des choix politiques responsables faits par le CPR et Takatol de collaborer à une transition consensuelle.

 Le plus étrange est que ces appels à «tout effacer» interviennent, en profitant de l'émotion provoquée par l'assassinat de Mohamed Brahmi, alors que la transition touche à sa fin. Des manifestations opposées se sont déroulées en Tunisie entre les défenseurs d'une nouvelle «tabula rasa» et les défenseurs de la légitimité. On ne sait pas comment ceux qui appellent à mettre à bas l'Assemblée nationale constituante et le gouvernement de la troïka comptent gérer une «nouvelle transition». Qui décidera de la composition du gouvernement de «salut public» ? Sur quelle base de représentativité ? En réalité, la Tunisie ne gagne rien à dissoudre des institutions qui sont en train de terminer le travail et de préparer au retour aux urnes. La seule manière de donner un gouvernement et des institutions légitimes.

 Créer le vide et transformer la Tunisie en situation «d'assemblée générale» n'a rien de constructif. C'est au contraire donner du champ à ceux qui cherchent à faire avorter le projet de démocratie en Tunisie - et dans le monde arabe -, des marges d'action inespérées. Sans compter que le parti cible de cette démarche de tabula rasa n'a rien d'un groupuscule et ne va pas applaudir ceux qui non seulement veulent le renvoyer du pouvoir, mais «l'extirper» même de la vie politique. Une pétition lancée par des Tunisiens, journalistes, universitaires et militants des droits de l'homme, intitulée «Nous ne laisserons pas assassiner notre révolution», rappelle à juste titre que les scenarii algérien et égyptien ne sont pas des modèles à suivre. Ils récusent ceux qui veulent pousser «à la guerre civile, à la contre-révolution et à la tentation d'un retour à l'ordre sécuritaire» et défendent une «solution collective, qui ne peut être que politique».

 Toute démarche qui ferait sortir le pays du terrain politique avec ses mobilisations, ses contestations, ses critiques et aussi ses négociations et ses compromis, dessert les Tunisiens. Tous les Tunisiens ! Ceux qui observent la scène tunisienne ont pu constater que les outrances - parfois terribles - des médias tunisiens, des politiques et des salafistes ont été absorbées grâce à l'existence d'une coalition où l'essentiel des tendances est représenté. Cette coalition, élue par une majorité de Tunisiens, paraît beaucoup moins «représentée» dans les médias tunisiens. Cela crée souvent une fausse perception de la réalité. Les signataires de la pétition rappellent, à juste titre, que les hommes et femmes politiques élus par les Tunisiens se sont peut-être adonnés au «jeu du pompier pyromane» mais que cela ne justifie pas qu'on crée un vide général propice à toutes les manœuvres. «L'Assemblée nationale constituante reste malgré ses défaillances le seul espace d'élaboration commune d'un compromis politique capable de nous faire sortir de la crise dans les plus brefs délais». Ils ont raison. La guerre civile n'est pas un jeu. Oui, Tunisiens, ne laissez pas votre révolution se faire assassiner !