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A LA «GAUCHE» DE L'AUTORITARISME

par M.Saadoune

La gauche a-t-elle un avenir dans le monde arabe ? Poser la question, c'est déjà apporter un élément de réponse. Après une certaine présence dans les années 60 et 70, la gauche, hormis une existence groupusculaire, ne pèse plus sur les jeux politiques. Hormis en tant qu'appendice et alibi pour les pouvoirs en place avec lesquels elle entretient des rapports d'une grande ambiguïté. Au cours de ces deux dernières décennies et jusqu'à présent, les batailles politiques ont été largement menées par les courants nationalistes -souvent faire-valoir de régimes autoritaires- et des islamistes. La gauche, ou ce qu'il en reste, n'a plus qu'une présence marginale. Sa voix est amplifiée lors des moments délicats où l'alternance est en jeu et où les urnes donnent des résultats «indésirables». L'opposition radicale aux islamistes -tous classés dans une seule case sans la moindre nuance- qui émane de ces courants n'est pas purement idéologique. La gauche a des divergences avec les ultralibéraux qui ne tournent jamais à une vision guerrière. On peut observer actuellement en Egypte que la gauche accepte de s'allier avec l'affairisme le plus véreux du régime Moubarak -qui n'a jamais disparu- par opposition aux islamistes. On aura même entendu des gens de gauche afficher leur mépris pour la population qui ne sait pas «voter». Vieille et terrible rengaine droitière ! Et au fond, au-delà des divergences idéologiques et politiques réelles, ce que la gauche ne supporte pas chez les islamistes est qu'ils sont plus écoutés par les classes populaires dont elle se sent, par une sorte de prédestination divine !, la seule apte à représenter. La seule apte à défendre y compris contre elles! En Algérie comme ailleurs, les premières élections ouvertes ont été un terrible choc pour les gens de gauche. La «distance» entre eux et les classes populaires était abyssale. Et même si intellectuellement, ils pensent -et souvent à juste titre- que l'islamisme n'est pas une réponse aux attentes de ces damnés des indépendances, ils n'en tirent aucune réflexion sur eux-mêmes, sur leur pratique. Sur le fait que les classes populaires choisissent légitimement ceux qui les côtoient dans leur vie quotidienne et non ceux qui, de loin, théorisent sur des sujets abstraits. Il y a bien entendu une crise des vocations militantes, une incapacité à sortir d'un entre soi et de ses codes. Il y a, plus gravement, un renoncement à un combat sur le terrain politique qui rend les élites de la gauche plus enclines à défendre les systèmes autoritaires que les processus démocratiques. Il est pénible de constater la gauche arabe, dont la littérature pourfend avec abondance les régimes autoritaires, s'installer durablement dans le rejet de la démocratie au nom du rejet de l'islamisme, voire du «diktat de la populace». Que l'islamisme ne soit pas une alternative de gouvernement est un fait. Mais que des militants de gauche y trouvent un motif pour justifier que l'on rallonge la vie des systèmes autoritaires est le signe d'une impasse. Ou l'expression d'un «statut de classe». La gauche arabe ne serait-elle en définitive qu'un élément du décor du système autoritaire? qu'elle défend avec acharnement contre les urnes libres ?