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Egypte: douteux parrainages

par Kharoubi Habib

L'armée et les nouvelles autorités à qui elle a confié la mission de  mettre en œuvre le plan de transition formulé par elle après la destitution de Mohamed Morsi pratiquent la politique de «la carotte et du bâton» à l'égard des Frères musulmans qui entretiennent la protesta dans la rue contre l'éviction du président déchu.

La carotte a consisté à leur proposer de participer au processus de transition et à prendre part au gouvernement que le Premier ministre désigné est en train de constituer. Le bâton a la forme de la menace très ferme lancée à leur encontre par les militaires qu'ils ne tolèreront pas que le «délicat et complexe processus de transition soit perturbé» et surtout sous celle d'un mandat d'arrestation émis par le parquet égyptien à l'encontre du guide de la confrérie et d'autres de ses dirigeants. Les Frères musulmans n'ont été sensibles ni aux offres qu'ils ont reçues, ni au durcissement de ton de l'armée à leur égard. Ils poursuivent donc leurs manifestations de rue et ont déclaré être déterminés à les poursuivre jusqu'à obtenir le retour à l'ordre constitutionnel et par voie de conséquence le retour au pouvoir du président déchu Mohamed Morsi.

Ils sont encouragés à persister sur cette voie au constat que la protesta qu'ils ont initiée rassemble de plus en plus de manifestants. Le retour au calme sur lequel ont tablé les militaires en pensant avoir affaibli les Frères musulmans en les écartant du pouvoir est loin d'avoir été un objectif atteint. Le temps joue désormais contre l'armée car l'ébullition qu'entretient dans le pays la protesta non-stop des pro-Morsi fait obstacle à la mise en œuvre du plan de transition censé aboutir à la «normalisation» dans le pays. La crédibilité de ce plan n'est pas évidente dès lors que les Frères musulmans n'en sont pas partie prenante et que paradoxalement il ne fait même pas l'unanimité dans le camp des anti-Morsi.

Le gouvernement que le Premier ministre nommé par le président intérimaire du pays s'échine à former va se retrouver confronté à une situation explosive qui rendra quasi impossible qu'il puisse respecter le calendrier politique que lui a fixé le plan de transition. Son seul réconfort est que l'Egypte a eu des promesses d'aides financières d'importance dont il pourra user sur le volet économique et social pour contrer la campagne que les Frères musulmans mèneront contre lui. Des aides consenties par l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït qui par ce geste se sont dissociés des Frères musulmans qui bénéficient de l'appui du Qatar.

Certes, leurs contributions financières constituent une bouffée d'oxygène pour l'Egypte asphyxiée par l'effondrement de son économie. Mais l'influence dans le pays qu'elles octroient à leurs donateurs présentera une menace sur leurs aspirations que les anti-Morsi ne devront pas sous-estimer. Les monarchies de la région n'ont pas pris fait et cause pour les «révolutionnaires de la place Tahrir» mais pour le retour en Egypte d'un pouvoir autoritaire et conservateur qui ne s'avisera pas de réaliser les objectifs du mouvement qui a fait tomber le régime de Hosni Moubarak, puis celui de Mohamed Morsi et des Frères musulmans.