Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Egypte: des réactions internationales mitigées

par Kharroubi Habib

La destitution en Egypte par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi après son refus de l'ultimatum qu'elle lui avait signifié a été diversement accueillie et appréciée sur la scène internationale. Des réactions enregistrées émanant des chancelleries étrangères, il ressort toutefois qu'il y a eu peu de condamnations sans équivoque de l'action assumée par l'institution militaire égyptienne que Morsi et ses partisans qualifient de « coup d'Etat » contre un président et un « processus » démocratique et puisant leur légitimité dans la volonté populaire s'étant exprimée lors de la révolution du 25 janvier 2011 et à travers les élections qui ont eu lieu dans le sillage de son triomphe.

L'étrange est que cette thèse n'a pas été explicitement reprise à leur compte par des Etats régionaux notamment qui ont semblé proches de Morsi et des Frères musulmans arrivés au pouvoir en Egypte. A l'exception en effet du gouvernement turc qui l'a reprise à son compte et exprimé une ferme réprobation contre la destitution du président égyptien, les autres ont pris « acte » du changement intervenu au Caire et émis le souhait de voir l'Egypte dépasser la crise politique qu'elle traverse. Washington et les capitales européennes n'ont pas été plus loin dans leur appréciation de l'événement survenu en Egypte. Aucune n'a en effet qualifié l'éviction du président élu Morsi de coup d'Etat. Non pas parce qu'elles n'y voient pas un coup de force contre un président dont elles ont salué l'investiture comme une « avancée » de la démocratie dans son pays, mais par «réalisme » et « pragmatisme » prenant en compte la complexité et la délicatesse de la situation créée en Egypte par l'insurrection populaire généralisée qui a conduit l'armée à prendre position contre le président Morsi.

Il apparaît toutefois clairement que les chancelleries étrangères cultivent le doute que l'intervention de l'armée en Egypte a mis fin à une situation qui menaçait de plonger le pays dans le « chaos » et que le processus de reconstruction de l'Etat égyptien dévoilé par les militaires dans leur feuille de route va se dérouler de façon pacifique. Doute partagé par l'opinion internationale à la considération qui est en train de s'imposer que les partisans du président déchu ne vont pas s'incliner devant le fait accompli que l'armée veut leur faire accepter. Morsi et les principaux dirigeants du mouvement des Frères musulmans ont certes appelé leurs ouailles à s'opposer pacifiquement au « coup d'Etat » en occupant à leur tour la rue pour exiger le retour à la « légitimité » constitutionnelle et électorale.

Pourront-ils imposer ce cours à la protestation de leurs partisans ? L'armée laissera-t-elle ceux-ci occuper en cette forme la rue ? Autant d'interrogations qu'inspire la tournure prise par les événements en Egypte et qui n'incitent pas à l'optimisme sur ce qui va advenir dans ce pays. Hier vendredi, des postes de l'armée ont été les cibles d'attaque pour des assaillants qui seraient des « terroristes islamistes ». Difficile de ne pas voir dans ces actions la manifestation d'une autre forme de « résistance » contre le coup de force des militaires contre Morsi et le pouvoir islamiste qu'il a instauré. Et que cela va être la stratégie que les islamistes vont suivre dans leur bras de fer avec l'institution militaire et le camp des anti-Morsi qui a applaudi à son intervention. Morsi mis hors jeu, l'Egypte n'a pas pour autant terminé avec la crise politique qui a fracturé sa société en deux camps irrémédiablement antagonistes sur leur vision de l'avenir du pays.