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La rigueur budgétaire: un effet d'annonce

par Kharroubi Habib

La baisse des recettes de l'Etat se précisant pour cause d'une chute des prix mondiaux du pétrole entraînée par les récessions qui affectent les principales économies de la planète, les autorités algériennes chevauchent le discours de la prudence à observer en matière de politique budgétaire. Tel a été celui tenu jeudi par le grand argentier du pays Karim Djoudi devant les députés. Ce n'est pas parce qu'il a été question de prudence dans la politique financière dans son propos que les réactions ont été teintées d'inquiétude à son écoute, mais parce qu'il a donné à comprendre que l'Etat « va devoir être plus nuancé sur les augmentations de salaire ». Ce qui en ces temps de revendications sociales quasi générales ayant justement pour raison les valorisations de salaire a sonné comme l'avertissement que l'Etat s'est décidé de ne pas les satisfaire.

L'on peut d'ores et déjà prédire que le mouvement revendicatif social ne cessera pas d'enfler parce que les pouvoirs publics déclarent se montrer prudents dans la gestion budgétaire et que ceux-ci seront contraints de desserrer encore plus grands les cordons de la bourse car enferrés dans la logique que la paix sociale s'achète. Pour le citoyen, cette « prudence » à observer dans la politique budgétaire du pays que le pouvoir prône en guise de remède au déficit du budget de l'Etat qui risque d'aller en se creusant va signifier que sera instaurée une politique d'austérité qui va accabler encore plus les couches défavorisées et même moyennes. Elle est de ce fait injustifiée à ses yeux et pire encore inique car faisant peser les sacrifices sur ces couches sociales qui n'ont pas de responsabilités dans les dépenses et les dilapidations des ressources financières du pays cause pour grande part du déséquilibre budgétaire auquel a fait référence le grand argentier du pays.

Il ne faut pas s'étonner que les citoyens ne veulent pas entendre parler de l'austérité budgétaire signifiant qu'ils devraient renoncer à revendiquer aux plans salarial et social. Pas quand ils ont été arrosés de révélations sur l'accaparement par voie de corruption d'une bonne partie des ressources financières du pays et qu'ils voient que le train de vie et de dépenses de l'Etat est proprement révoltant par son « m'as-tu-vu » outrancier et insultant pour leurs conditions de vie sociales.

L'évocation de la prudence budgétaire est un simple effet d'annonce de la part du pouvoir. Il se gardera de pratiquer la rigueur dans la gestion des finances publiques pour ne pas attirer le mécontentement social sachant que l'explosion de celui-ci est ce qui menace le plus sérieusement ses fondements. Abdelmalek Sellal continuera ses tournées dans les wilayate du pays et la distribution sans compter des fonds publics à seule fin d'éteindre ce mouvement qui ici et là est en train de se muer en « protesta » à caractère politique. Le pouvoir a pour horizon l'échéance de l'élection présidentielle et sait que dans la période qui sépare de celle-ci, il dispose d'une masse financière lui permettant de poursuivre le financement de la paix sociale et une politique de « générosité » dont il escompte un dividende électoral.

Enfin, il nous semble que Karim Djoudi a commis une bourde de mauvais goût à l'égard de ses concitoyens en évoquant devant les députés la nécessité pour l'Etat de « nuancer sa politique d'augmentation des salaires » sachant que ces parlementaires déjà grassement rémunérés venaient de s'octroyer allégrement une substantielle augmentation de leurs salaires.