Belkhadem sait que les militants de son parti son
cupides. Et donc, à chaque fois qu'il est en zone de turbulences, il explique
que Bouteflika va se présenter au prochain mandat. Le
message indirect est «restez avec moi et misez sur le gagnant». Le FLN est un
appareil alimentaire et le meilleur moyen de l'unir c'est autour d'un repas. Le
vieux bonhomme de Tiaret l'a bien compris, lui qui vient de si loin sur le dos
de Boumediene, même mort. Passons, le sujet de la chronique est autre : Bouguerra Soltani. Cet autre
enseignant devenu patron du parti islamiste light de l'Algérie. Docile, obéissant,
formaté, sans angles ni ossements, guérisseur sorcier en temps libre et parfait
islamiste de service pour «les centres de décisions», comme il désigne ses
fabricants, cet homme vient de vouloir avoir une vie réelle. Ayant vu émerger
les islamistes un peu partout dans le monde arabe, cet homme marié consentant
au Pouvoir veut s'émanciper, avoir une vie après sa mort et laisse même
entrevoir des ambitions présidentielles. Il n'a pas fait la révolution, n'a pas
pris des coups sur le dos, n'a pas été frappé et traîné, il n'a pas crié, n'a
rien senti comme injustice, son fils a un travail et même des plus, mais cela
ne l'empêche pas de vouloir vivre l'aventure, plus grande que lui, du printemps
arabe livré à domicile. La société est prête, dira-t-il lors d'un dernier
rassemblement. Pour lui.
Le
seul bug dans ce délire, c'est que Soltani et son genre
oublient un détail : lui et les siens ont choisi leur camp et ont épousé le
Pouvoir, pas la rue. Les autres islamistes dans le monde arabe ont eu au moins
cette «décence» stratégique de venir au Pouvoir par les urnes et pas par
cooptation du régime. Ils n'ont presque jamais été figurants et seconds rôles
pour un multipartisme indigène. Qu'aujourd'hui ce mou barbu se prenne à rêver
d'un destin national, cela choque et démontre encore une fois cet opportunisme
des islamistes dits soft qui ne sont à la fin que de vulgaires contrebandiers
de la légitimité. Voilà donc à quoi nous en sommes réduits en terme de choix de
candidatures : des Soltani de service, des Belkhadem bonimenteurs et un régime qui a su acheter les
acquiescements des anciens colons par quelques marchés et deux ou trois
bouteilles de gaz. Dans quelques jours, le ministre des AE ira faire son compte-rendu
en France sur ce que le régime va faire de ce peuple, et la question algérienne
sera close comme un chapitre domestique, annexe du printemps arabe. Et c'est
cela qui tue le chroniqueur et ne lui permet même pas de ramasser ses propres
morceaux : l'insoutenable petitesse du personnel politique, son immoralisme
insolent, sa ruse bas de gamme et sa vanité et son incapacité à dépasser le demi-mètre vers les étoiles. Dieu, qu'avons-nous fait, quelque
part durant notre histoire, pour finir ainsi avec des contrebandiers en guise
d'éclaireurs ? Sommes-nous un si petit peuple que nous ne méritons que ces gens-là
?