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INFO-DIVERTISSEMENT ET PROPHETES DE L'ARGENT-DIEU

par K. Selim

La crise en Europe est un temps de «gloire» pour Goldman Sachs. Les deux premiers maillons faibles, la Grèce et l'Italie, sont désormais dirigés par des hommes qui ont fait une partie de leur carrière dans ce temple de la spéculation illimitée et des manœuvres financières douteuses. A la faveur de la tourmente de l'endettement public qui dévaste des économies de l'Union européenne, une mutation ouverte des structures politiques s'opère. La toute-puissance des multinationales et des marchés financiers est consacrée. Les manœuvres spéculatives sur les emprunts d'Etat des maillons faibles de l'UE, Irlande, Portugal, Grèce et Italie, ont abouti par décision des marchés à des changements de gouvernance ; et à l'instauration de politiques de rigueur destinées à assurer le remboursement de crédits consentis à des taux usuraires par ceux-là mêmes que ces Etats ont sauvés du naufrage des subprimes.

Les conditions de crédit sans cesse plus dures imposées à ces maillons faibles les ont entraînés dans le piège de la dette? Une situation que nous avons connue en Algérie en d'autres temps et pour d'autres raisons. Saignés à blanc, ces pays, placés de fait sous l'autorité des représentants de leurs créanciers, FMI, BCE et la Commission européenne, ont dû changer de directions politiques en pleine tempête. Ceux qui prennent les rênes viennent de Goldman Sachs ou de la BCE (Banque centrale européenne). Les organes de direction de celle-ci ne rendent des comptes à personne et leurs délibérations (conseil des gouverneurs) sont secrètes. Les structures de la démocratie occidentale sont bien atteintes dans leurs fondements. Pourtant, on n'entend pas beaucoup de voix dénoncer cette prise de pouvoir hégémonique de centres de décision non élus et hors de toute supervision populaire.

La définition des politiques économiques et leur conduite sont le fait de bureaucrates cooptés qui ne répondent qu'aux marchés. Cet état de fait, largement intériorisé par une opinion subjuguée par des médias contrôlés par les puissances d'argent, n'est contesté que par des expressions alternatives réfugiées sur le net.

Le mouvement des «indignés», chassés par toutes les polices du monde des places publiques, est toujours minimisé ou tourné en dérision par les JT. Ils ne sont que des ombres furtives sur les plateaux de l'info-divertissement (infotainment) et de la propagande. Le discours «modernistew» de la rigueur et des mesures violemment antisociales que le terme recouvre est relayé sur tous les tons. Les banques et les entreprises multinationales qui tirent les marrons du feu du désespoir social ont leurs porte-parole, vicaires du Dieu-Profit et missionnaires du marché. Ce dieu insatiable est célébré par ces théologiens de la plus vieille croyance du monde, celle du chacun pour soi et de la loi de la jungle. On n'est plus dans l'idéologie mais dans la religion, dans le dogme réputé indépassable de la suprématie absolue du marché. Dans le mythe miraculeusement régulateur de la main invisible. Le miracle est coûteux : des millions de laissés-pour-compte et une misère rampante.

 La crise de l'économie financière globalisée le démontre : quand le profit est divinisé, les escrocs sont des prophètes. On pourra gloser à perte de vue sur la laïcité et l'extrême modernité de la dérégulation libérale, ses grands prêtres sont les théologiens de l'injustice et de la famine. L'apostolat de Goldman Sachs est bien celui des sacrifices humains pour la plus grande gloire de l'Argent-Dieu.