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UNE LONGUE ERRANCE

par K. Selim

Le président palestinien Mahmoud Abbas présentera la demande de pleine adhésion d'un Etat de Palestine aux Nations unies le 20 septembre prochain, alors qu'il sait que les Etats-Unis et de nombreux Etats européens sont hostiles à la démarche.

 La question que se posent de nombreux Palestiniens - et tous ceux qui soutiennent leur cause - est de savoir si Mahmoud Abbas le fait par simple dépit d'un homme qui croyait pouvoir, par sa «modération», être celui qui entrerait dans l'histoire comme ayant apporté un Etat. La question n'a rien de superflu. Elle cherche à déterminer si Mahmoud Abbas et ses «négociateurs sans fin» ont fait une évaluation juste du processus de négociation entamé depuis les accords d'Oslo.

 Une longue errance politique qui a permis l'apparition d'une caste de négociateurs et des fonctionnaires dont les intérêts matériels sont directement liés à la permanence d'une négociation fictive menée par une autorité fictive. Cette errance s'est manifestée également par des déchirements graves entre Palestiniens, alors qu'Israël étendait son entreprise de colonisation et d'épuration ethno-religieuse.

 On le voit encore ces temps-ci : face à une contestation sociale menée par des Israéliens, le gouvernement de Netanyahu a décidé de confisquer des terres palestiniennes à Jérusalem-Est pour construire des logements sociaux. Il n'y a pas de réaction aux Etats-Unis ou ailleurs. Mais pouvait-il en être autrement quand toute la «négociation» a été clairement marquée par une volonté de gagner du temps et des terres au détriment des Palestiniens ?

 Le choix d'aller à l'Onu et de déplaire à M. Barack Obama est-il une vraie rupture avec une négociation de pure forme qui s'apparente en définitive à une forme de corruption ? Toute une classe d'hommes politiques - et d'affaires - s'est constituée au nom de la négociation pour la négociation, perdant de vue l'objectif politique.

 Est-on prêt à rompre avec cette perversion ? M. Abbas et ses «négociateurs» ne reprendront-ils pas, même après le passage par l'Assemblée générale des Nations unies, les vieilles habitudes qui consistent à courir derrière une fausse négociation ? Il est donc primordial de savoir pourquoi l'on va à l'Onu.

 Il est clair que l'errance des Palestiniens depuis les accords d'Oslo a pour toile de fond une emprise de plus en plus forte des Etats arabes présumés «modérés». Ces Etats ont entravé toute action politique et diplomatique au niveau international pour s'en remettre totalement aux Etats-Unis, qui n'ont rien d'un parrain neutre.

 Aucun responsable américain ne l'affirme et tous proclament qu'ils n'exerceront jamais une pression quelconque sur Israël pour le contraindre à une solution indésirable. La conséquence apparente de cette neutralisation de l'action internationale des Etats arabes, qui choque considérablement les militants de la cause palestinienne dans le monde, a été de donner une épaisseur illusoire à l'Autorité palestinienne. Car quand M. Mahmoud Abbas et ses négociateurs étaient accueillis dans les grandes capitales qui faisaient mine d'y voir des interlocuteurs, la solitude des Palestiniens s'est profondément aggravée. La reconnaissance de l'Etat palestinien par l'Assemblée générale de l'Onu ne changera rien à la situation des Palestiniens sous occupation.

 Ce qui peut changer les choses, c'est le rétablissement de l'unité nationale et une jonction avec le mouvement des peuples arabes qui tentent de bousculer des pouvoirs qui ont tourné le dos au peuple palestinien. Mahmoud Abbas, qui incarne déjà le passé et le temps perdu, est-il encore en mesure de participer positivement à une sortie de l'errance des Palestiniens ?