Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Un pouvoir sérieusement ébranlé

par Kharroubi Habib

Signe irrécusable que le pouvoir algérien est sérieusement ébranlé, son silence après les réactions et déclarations de l'étranger critiquant et condamnant son recours à la répression contre les manifestations pacifiques de contestation ayant eu lieu dans le pays sous l'égide de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD).

 En d'autres temps, il aurait réagi au quart de tour en criant à «l'ingérence étrangère» inadmissible et inacceptable. Il n'a pipé mot cette fois. Il faut croire qu'il a pris conscience que l'indignation souverainiste dont il a si souvent usé est passée de mode dans le conteste créé par les révolutions populaires en Tunisie et en Egypte.

 En fait, il en est à donner des gages d'avoir bien entendu et décodé les remontrances et mises en garde internationales ayant émané des Etats-Unis et d'Europe. Et c'est bien un gage qu'a donné Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, en déclarant lundi sur les ondes d'Europe I que «la levée de l'état d'urgence interviendra dans les jours prochains», expliquant que cela signifiera un «retour en Algérie à l'état de droit, qui permet de manière totale l'expression des opinions».

 Washington ayant fait savoir que les Américains « suivront de près la situation en Algérie ces prochains jours », il faut s'attendre à ce que les autorités adoptent un autre comportement face aux manifestants, auxquels la CNCD a lancé un appel à une nouvelle démonstration pour samedi prochain. Il est quasi certain qu'elles annonceront la levée de l'état d'urgence avant cette date et probablement même la levée de l'interdit spécifique mis à l'organisation de marches dans la capitale.

 Il est clair que le pouvoir en Algérie a compris qu'il a perdu la bienveillance permissive dont il a longtemps bénéficié de la part des Etats-Unis et de l'Union européenne, au motif qu'il est un rempart contre le terrorisme international et le garant de la stabilité d'un pays reconnu pour offrir des opportunités d'affaires importantes.

 Pris entre le marteau d'une contestation populaire qu'il ne peut espérer contenir que par la répression et la violence, et l'enclume de la nouvelle perception qu'ont les Américains et les Européens de la nouvelle donne surgie dans le monde arabe suite aux révolutions populaires tunisienne et égyptienne, le pouvoir algérien n'est plus en situation de rester figé dans l'autoritarisme et de continuer à faire l'autiste. En persistant dans cette voie, il s'enlèverait l'ultime chance qui lui reste de ne pas se trouver confronté à un scénario à la tunisienne ou à l'égyptienne.

 En somme, ou tirant les leçons de ces deux cas, le pouvoir donne suite à la revendication de changement qu'exige la société algérienne, ou il s'expose à être emporté par une lame de fond qu'il aura rendue irrépressible. Il se trompe du tout au tout s'il persiste encore à se faire à l'idée que l'Algérie est à l'abri d'une situation comme celle qui a donné naissance aux soulèvements populaires ayant abattu les régimes de Ben Ali et de Moubarak.

 Les marches sur lesquelles Mourad Medelci a ironisé lundi ont été l'avertisseur que le pays est en ébullition et que l'explosion populaire n'est pas loin. Ce n'est pas en exhibant ses «muscles» aux contestataires et en faisant le «dos rond» aux pressions étrangères l'incitant à prendre acte de la volonté de changements qu'exprime son peuple, que le pouvoir algérien sera en capacité de faire face à l'orage qui s'annonce.