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Un pouvoir affolé et crispé

par Kharroubi Habib

La spontanéité des émeutes qui ont secoué le pays début janvier et surtout le fait qu'elles se soient produites simultanément dans la capitale et les principales villes, ont affolé le pouvoir en lui faisant prendre conscience d'être assis sur un volcan. Son affolement est devenu peur panique avec les évènements survenus ensuite en Tunisie puis en Egypte. Au point de dire des choses et de faire leurs contraires.

 A entendre le discours officiel, la situation en Algérie ne serait nullement explosive malgré l'explosion de la colère populaire du début janvier et qu'il est impossible qu'un scénario à la tunisienne ou à l'égyptienne s'y produise. Dans les faits, les réactions du pouvoir sous la forme d'annonce de concessions politiques auxquelles il se refusait jusqu'alors et de mesures sociales tous azimuts ont trahi la peur qui s'est emparée de lui à la crainte intériorisée d'une explosion populaire de même nature qu'en Tunisie et en Egypte.

 Mais s'il croit avoir désamorcé celle-ci par l'effet d'annonce des concessions politiques faites et la batterie de mesures sociales arrêtée, il se trompe lourdement. Car ce ne sont pas les décisions à la Corte dont il a fait l'annonce que la population attendait de lui. En Algérie, comme en Tunisie, en Egypte et ailleurs dans le monde arabe, les peuples ne sont plus à se satisfaire de «mesurettes» qui préservent en l'état les pouvoirs dictatoriaux et autocratiques en place. C'est le changement pur et simple des systèmes ayant généré ces pouvoirs qu'ils revendiquent sans appel. Plus que leurs gouvernants, ces peuples ont compris, comme l'a justement fait valoir Saïd Sadi, le président du RCD, que «les conditions nationales, régionales et internationales sont réunies en même temps pour envisager ce changement»

 En Algérie, toute la question est de savoir si le pouvoir en place, tirant les enseignements de ce qui s'est passé en Tunisie et de ce qui se déroule actuellement en Egypte, fera en sorte que le changement revendiqué par le peuple intervienne sans violence ni dérapages. Ou si, se croyant plus solide que les régimes tunisien et égyptien, il se laissera aller à camper dans le refus de ce changement.

 A ce titre, la journée d'aujourd'hui sera révélatrice des intentions de ce pouvoir. Que sous prétexte de considérations sécuritaires, il empêche les marches populaires organisées à l'initiative de partis et d'organisations sociales de l'opposition mais légales, cela renseignera l'opinion sur la nature velléitaire et strictement fondée sur un calcul politicien de son annonce d'ouverture.

 En tout cas, l'initiative de ces partis et organisations sociales a d'ores et déjà atteint l'objectif de dévoiler que le pouvoir n'est pas aussi confiant qu'il en donne l'apparence de ne pas être rejeté par la population, ainsi qu'ils veulent le lui faire savoir. Sinon, il n'aurait pas mobilisé tout son arsenal répressif pour empêcher ces partis et organisations sociales de descendre dans la rue, alors qu'il les présente comme étant déconnectés de la population et impuissants à la mobiliser.

 Peut-être qu'aujourd'hui les marches annoncées ne draineront pas de grandes foules. Cela n'infirmerait nullement le fait que l'Algérie est un chaudron dont l'explosion menace à tout moment et que les atermoiements du pouvoir ne font que différer.