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Quelle politique sociale ?

par Yazid Alilat

A bien des égards, le gouvernement Ouyahia a péché par une politique sociale inexistante. Du moins invisible. Et, il est pour le moins surprenant que l'explosion sociale qui embrase plusieurs villes du pays n'ait pas été «anticipée» par le gouvernement. La hausse fulgurante des prix des produits de première nécessité, et pas seulement l'huile et le sucre, car il y a aussi tout le panier de la ménagère, n'est pas à elle seule le détonateur de ce ras-le-bol social, qui, du reste, était palpable depuis quelques mois. Certes, le nouveau schéma de fonctionnement du commerce de détail, avec beaucoup de conditions drastiques, que le ministère de M. Benbada a voulu imposer aux professionnels, a déstabilisé plus d'un, jusqu'à provoquer les émeutes qui essaiment aujourd'hui comme des champignons, même au plus profond douar du pays.

 Fallait-il être grand clerc pour savoir qu'en Algérie le commerce de détail fonctionne dans un système informel enraciné au plus profond de mœurs sociales nées dans les années 90 ? Et que s'attaquer à ce système, sans des solutions idoines, est une mission à haut risque ? C'est en réalité la grande leçon reçue par le département de M. Benbada qui, aujourd'hui, est en train de recoller les morceaux de la grosse colère sociale provoquée. Pour autant, le conseil interministériel prévu ce samedi pour examiner une situation sociale chaotique, et tenter de trouver, et vite, les solutions d'un problème qui dépasse de loin le simple cadre d'émeutes sociales provoquées par une surchauffe des prix, devrait aller au-delà du constat, et de solutions conjoncturelles.

 Car le constat, réel celui-là, est que la situation socio-économique en Algérie est alarmante. Non seulement les salaires, qui stagnent, même si le SMIG a été revu à la hausse, ne correspondent plus à la spirale des prix, mais c'est toute la sphère commerciale qui échappe à tout contrôle, le chômage, l'inflation qui grimpe sans cesse, et, c'est toute l'économie nationale qui roule au ralenti. La semaine dernière, un haut cadre du ministère des Finances a même prédit, dans une intervention à la radio nationale, des hausses importantes des prix en 2011, avec une exacerbation encore plus grave de l'inflation. Il a, en quelque sorte, dit ce que beaucoup cachent : les prix vont exploser en 2011.

 Pour autant, il faudrait que le gouvernement se «persuade» lui-même, en envisageant les solutions pour éteindre le feu de cette explosion sociale, que le pouvoir d'achat des Algériens est extrêmement bas. La hausse des salaires, du moins la dernière, s'est accompagnée par une envolée des prix qui a immédiatement annulé l'effet de la hausse du SNMG. Du coup, le salaire réel est redescendu à des niveaux extrêmement bas, alors qu'en face les prix des produits de consommation suivaient une courbe contraire. Et, cette misère des salaires se concentre au niveau des employés du secteur privé, des artisans et des chômeurs, qui reçoivent de plein fouet ces hausses perpétuelles de prix. La situation pour ces Algériens devient ainsi vite ingérable. La machine économique en Algérie cale. Car si le programme quinquennal 2010-2014 est adossé à une enveloppe de 256 milliards de dollars, en réalité, seules des miettes tombent dans le couffin de la ménagère. Cela aussi avait été relevé par des experts. Fallait-il donc attendre la déflagration pour réagir ?