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LA LUCIDITE DU PRISONNIER

par K. Selim

De sa prison, Marwan Barghouti l'exprime clairement : les négociations de paix avec Israël sont vouées à l'échec. Selon le leader palestinien emprisonné dans les geôles de l'occupant, «les Palestiniens feraient mieux de se consacrer à résoudre les profondes divisions qui les séparent».

 Ce que dit Barghouti est partagé par de nombreux Palestiniens de tous bords. Beaucoup ne voient dans les discussions qui s'ouvrent à Washington qu'un show destiné à redorer l'image du président Obama à la veille des élections de mid-term en novembre prochain.

 Le même processus bégayant entamé il y a presque vingt ans est réactivé encore une fois. Comme toujours, sans que les conditions politiques préalables soient réunies pour assurer, sinon un succès réel, au moins des avancées concrètes sur la création d'un Etat palestinien viable avec Jérusalem pour capitale.

 Pour le leader charismatique de la première intifada, il ne saurait y avoir de négociations effectives sans l'adhésion de la majorité du peuple palestinien et sans que les Israéliens acceptent notamment le principe du retour des exilés palestiniens et l'arrêt de la colonisation. Les dirigeants du gouvernement israélien sont loin de faire preuve de la moindre ouverture en ce sens. La coalition droite et extrême-droite au pouvoir, assurée du soutien indéfectible des Occidentaux avec les Etats-Unis en tête, l'affirme avec arrogance, se permettant même de se moquer de son grand allié.

 Avigdor Liberman, le ministre des Affaires étrangères, caricature du sioniste ultra, a déclaré que les négociations sous les auspices de Barack Obama étaient un événement «festif». Ce ministre d'apartheid n'a pas tort et, connaissant la nature profonde de la relation entre Israël et les Etats-Unis, où le vassal n'est pas celui qui serait le moins puissant, il joue sur du velours.

 De fait, les Israéliens sont installés depuis toujours dans une logique maximaliste fondée sur la supériorité des armes et la garantie de l'impunité, quelles que soient les exactions dont ils se rendent coupables. Les déclarations apaisantes sont systématiquement accompagnées de mesures pratiques qui en sont l'antithèse, dans un scénario où l'on ne peut même plus parler de duplicité tant le mépris du droit et de l'opinion internationale est évident.

 Le rapport de force n'est pourtant pas aussi favorable aux Israéliens qu'il a pu l'être dans le passé. La campagne BDS ? boycott, désinvestissement, sanctions ? gagne chaque jour en efficacité et l'épisode sanglant de la flottille de la liberté a révélé la nature criminelle du dernier Etat colonial de la planète. La voie de la résistance et de l'unité est effectivement le seul moyen de faire plier un ennemi de plus en plus isolé, même au sein de ses alliances historiques.

 Les promesses sans lendemain et les engagements sur la comète sont le salaire habituel des éternels négociateurs de Ramallah. Le miroir aux alouettes masque efficacement la stratégie coloniale de Tel-Aviv. Mais les atermoiements et les déclarations lyriques auxquels sont abonnés les Palestiniens ne rebutent pas une Autorité en fort déficit de légitimité.

 Marwan Barghouti a donc raison de mettre en garde contre des pseudo-négociations qui sont un instrument entre les mains de l'occupant pour la poursuite de la colonisation et de la judaïsation de Jérusalem. De sa prison, Marwan Barghouti fait preuve d'une lucidité qu'on aurait aimé trouver chez ses pairs «libres» de Ramallah.