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L'arrogante certitude de Kouchner prise en défaut

par Kharroubi Habib

Dans son arrogante certitude que sa sortie contre «la génération de l'indépendance» responsable, selon lui, du mauvais climat des relations algéro-françaises allait être comprise et, pourquoi pas, approuvée par l'opinion algérienne, l'inénarrable ministre français des Affaires étrangères s'est planté sur toute la ligne.

 En effet, sa provocante déclaration, au lieu de l'accueil approbateur qu'il escomptait pour elle en Algérie, a provoqué un assourdissant tollé d'indignation qui n'est pas le fait seulement des milieux favorables au pouvoir en place. Ses propos ont choqué même ceux qui, pour des raisons algéro-algériennes, sont dans l'opposition à ce pouvoir et à son premier responsable, qui se trouve être justement de «cette génération de l'indépendance» stigmatisée avec suffisance par Kouchner. Ce qui a révolté dans le propos «analyse» du ministre français des Affaires étrangères est qu'en rejetant le tort des vicissitudes que connaissent les rapports algéro-français sur «la génération de l'indépendance», c'est-à-dire sur l'Algérie en fait, il a voulu dédouaner la France de toute responsabilité. Exit pour lui le refus de la France de reconnaître les torts historiques immenses qu'elle a fait subir au peuple algérien durant la période coloniale, la permanence de la vision néocolonialiste qu'elle met dans ses rapports avec ce pays, du parti pris anti-algérien qu'elle développe sur certains dossiers de politique internationale, d'intervention dans les affaires intérieures algériennes qui n'ont été rien d'autre que de l'ingérence. La déclaration de Kouchner en est d'ailleurs une flagrante démonstration.

 Bernard Kouchner a très certainement pensé que sa déclaration allait embarrasser, voire contribuer à déstabiliser le pouvoir algérien. Au contraire, et parce que en tant que ministre de la République française, il s'est exprimé de façon si peu diplomatique et si ouvertement paternaliste et arrogante, il lui a offert une diversion qui tombe à pic pour lui. Que pouvait en effet servir Bouteflika et son gouvernement de meilleure diversion pour détourner l'opinion algérienne et la fixer sur un autre sujet que les scandales dus aux affaires de corruption impliquant dignitaires du régime, hauts responsables étatiques et cadres dirigeants de la plus grande entreprise économique du pays, ou que la fronde sociale qui paralyse des secteurs névralgiques de la fonction publique et menace de se propager ailleurs ?

 La «bombe» lâchée par Bernard Kouchner n'a pas eu l'effet destructeur qu'il espérait sur le pouvoir algérien. C'est la France qui en pâtit au premier chef. Ce que son président Nicolas Sarkozy a bien compris et s'essaye à rattraper ce qui peut l'être du faux pas de son ministre des Affaires étrangères.

 Son premier geste a consisté à dépêcher à Alger une impressionnante délégation composée d'un trio de personnalités qui lui est le plus proche à l'Elysée. Côté officiel algérien, l'on affiche depuis la sortie de l'ex-icône de l'humanitaire une sérénité mêlée d'hautaine indifférence. Et pour cause, c'est l'opinion publique, dans sa diversité et ses différences, qui se charge de dire son fait au personnage.

 Sauf qu'il est des déclarations et des prises de positions d'acteurs politiques français qui ne s'oublieront jamais en Algérie, que ce soit dans les sphères officielles ou dans la rue. Elles pèseront sur les relations algéro-françaises.