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COUPS TORDUS

par K. Selim

Pour beaucoup d'observateurs, l'attentat qui a coûté la vie à un physicien iranien de premier plan n'a pas besoin d'être revendiqué : il est manifestement l'oeuvre de services secrets occidentaux - américains, israéliens ou européens - agissant en solo ou dans le cadre habituel et rodé de leur «coopération» internationale.

 Massoud Ali-Mohammadi, professeur à l'Université de Téhéran, a été tué hier matin par l'explosion d'une bombe télécommandée placée dans une moto à proximité de son domicile. L'universitaire assassiné comptait parmi les scientifiques iraniens de haut niveau. Massoud Ali-Mohammadi, spécialiste en physique des particules, est un ancien membre du corps des Gardiens de la Révolution. Le chercheur figurait sur une liste de personnes visées par des sanctions des puissances occidentales pour leur rôle dans la mise en oeuvre du programme nucléaire iranien. Cet assassinat intervient quelques mois après le rapt en mai dernier d'un autre physicien iranien, Shahram Amiri, en Arabie Saoudite.

 L'élimination physique des cadres est plus que jamais à l'ordre du jour dans un contexte où l'option militaire semble avoir perdu de son actualité. Depuis plusieurs semaines, les menaces d'intervention militaire directe sur les installations nucléaires iraniennes sont mises en sourdine, même si le général Petraeus, commandant des armées américaines au Moyen-Orient, a confirmé lundi 10 janvier à CNN que des plans de bombardements existaient bel et bien.

 De fait, le renforcement du dispositif américain dans la région par l'arrivée à la fin de l'année dernière du groupe naval autour du porte-avions Eisenhower montre que la possibilité - aussi irresponsable puisse-t-elle paraître - d'une frappe sur l'Iran est loin d'être écartée. Des experts américains de premier plan, comme le chevronné Gary Sick, ancien membre du Conseil de sécurité nationale sous les présidents Carter et Ford, mettent en garde le président Obama contre des initiatives de durcissement des sanctions contre l'Iran dans un climat médiatique complètement fabriqué par les omnipotents relais israéliens aux Etats-Unis. L'expert souligne les dangers d'une surenchère favorisée par l'idéologie hystériquement anti-iranienne qui prévaut dans l'establishment politique américain.

 Dans la logique guerrière que l'empire en déclin a le plus grand mal à inverser, tous les coups sont permis, y compris les plus tordus. On se souvient que l'élimination des cerveaux, à l'image de ce qu'avait fait l'OAS à la fin de la guerre d'Algérie, fut une méthode largement employée aux premiers temps de l'occupation de l'Irak. Des exécutions ciblées avaient décimé les rangs des chercheurs, des universitaires et scientifiques de ce malheureux pays. La résistance irakienne attribuait l'essentiel de ces assassinats aux services spéciaux israéliens.

 La relance de ce mode opératoire dans un contexte de déstabilisation politique du régime des mollahs en dit long sur la stratégie israélo-américaine : après l'échec de la révolution verte importée, on procède à des assassinats sélectifs. Avant les bombardements massifs ?

 La logique de meurtres de savants confirme en tout état de cause que l'objectif occidental est de maintenir autant que faire se peut la faiblesse des Etats de la région et de dresser tous les obstacles devant ceux qui voudraient accéder à la véritable modernité, celle de la science et des techniques.