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Face au mur

par K. Selim

Mahmoud Abbas a annoncé qu'il n'a pas envie de se présenter à l'improbable élection de la présidence de l'Autorité palestinienne, qu'il a, unilatéralement, convoquée pour le 24 janvier prochain.

 Est-il nécessaire de se demander s'il s'agit d'un retrait sincère ou d'une manoeuvre politique destinée, à la mode arabe, de laisser les appareils dont il dispose orchestrer un pathétique «ne nous quitte pas» ? Sincère ou purement politicienne, l'annonce de Mahmoud Abbas, une plainte douce à l'égard de ces Américains dont il se croyait l'ami, n'en comporte pas moins un sens indubitable, celui de l'impasse.

 Tout le chemin accompli depuis les lointains accords d'Oslo, qui n'ont pas empêché une extension de la colonisation israélienne et de la purification ethnique anti-palestinienne, ont débouché sur un mur. Mahmoud Abbas et ses collaborateurs, ces indécrottables comédiens de la négociation, ne peuvent prétendre être surpris du parti pris de l'administration américaine en faveur d'Israël. Il y a eu tellement de Palestiniens de toute tendance qui les ont alertés sur le fait qu'ils faisaient preuve d'un angélisme impardonnable dans une région où l'on n'hésite pas à commettre des crimes de masse et à détruire des nations tout en prétendant diffuser la démocratie.

 Le Fatah lui-même, malgré ses vicissitudes et ses lourdes branches corrompues -vendues, diront certains -, avait suffisamment d'expérience politique pour ne pas rester indéfiniment dans une négociation sans but. La raison première de l'impasse est, hélas, classique : l'accaparement du pouvoir et de la décision par un petit groupe entourant Mahmoud Abbas. Ce groupe, flatté d'être considéré comme un «bon interlocuteur» par les Occidentaux, en est arrivé à considérer que l'opinion des Palestiniens ne compte pas. Ce groupe pensait - il le pense sûrement encore - qu'il est tellement brillant qu'il peut se passer de l'avis des Palestiniens. Dans le meilleur des cas, Mahmoud Abbas et ses collaborateurs pensaient que les «résultats» obtenus par leur démarche «réaliste» permettraient d'inverser la tendance et de redorer le blason durablement terni des négociateurs.

 A l'évidence, après avoir avalé une série de couleuvres américaines, dont l'incroyable épisode du rapport Goldstone, Mahmoud Abbas a eu de la difficulté à digérer l'ultime avanie d'une Hillary Clinton, venant à El-Qods, pour annoncer le plat alignement de Barack Obama sous les semelles de Netanyahu. Une humiliation de plus qui le pousse à se retirer ou... à menacer de se retirer.

 Quand on arrive devant un mur, il y a deux attitudes possibles : s'arrêter et s'interroger sur les raisons qui ont mené à l'impasse, ou bien faire mine de chercher un trou dans le mur. A l'heure qu'il est, personne n'est sûr que Mahmoud Abbas - et ses pairs arabes présumés «modérés» aussi - soit prêt à une évaluation honnête du chemin qui a conduit au mur. Ce n'est pas une question de personnes, ce sont des choix politiques stratégiques qui sont en cause.

 Le constat d'échec d'une stratégie, qui n'est pas encore fait par Mahmoud Abbas, doit libérer les Palestiniens et les amener à engager un véritable débat national. Cela dépasse largement les élections à la fantomatique Autorité palestinienne. Toute la question est là. Mahmoud Abbas veut-il que les Palestiniens rediscutent sur le fond une politique qui a lamentablement échoué ou bien essaie-t-il seulement de chercher des trous qui n'existent pas dans un mur qui, lui, est bien réel ?