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Elles en appellent au chef de l'Etat: Les agences de voyages au bord du gouffre

par Sofiane M.

Après 18 mois de suspension presque totale de leurs activités en raison de la crise sanitaire, les agences de voyages sont désormais au fond d'un gouffre financier et psychologique. Le syndicat national des agences de tourisme (SNAT) avertit que le compte à rebours est enclenché et aucune agence de voyage ne pourra tenir jusqu'à la fin de cette année 2021.

Ce n'est plus un cri de détresse que lancent les voyagistes, mais il s'agit bel et bien d'un dernier soupir avant le dépôt général de bilan. Le président du SNAT, Said Boukhlifa, que nous avons contacté hier par téléphone, estime que le secteur du tourisme a besoin d'un « plan Marshall » tout en soutenant que l'Etat a une obligation de venir en aide à un secteur en plein marasme économique. Il révèle que sur les 4.000 voyagistes en exercice début 2020, 2.000 ont fermé boutique, dont la moitié (1.000) a déposé définitivement le bilan.

Le président du SNAT réclame une période de grâce de deux à trois ans pour le paiement des charges sociales et des facilités pour l'accès à des crédits bonifiés. « Nous attendons que l'Etat nous vienne en aide. Nous avons été les plus affectés par les répercussions de la crise sanitaire. Sur les 4.000 voyagistes qui exerçaient à travers le territoire national, une bonne partie a fermé ses portes en raison de la suspension des vols extérieurs. Entre 25.000 à 30.000 employés ont été licenciés depuis le début de la crise et la situation s'aggrave de jour en jour. Les problèmes financiers s'accumulent et aucune perspective d'avenir ne se profile. Les espoirs nés de la récente reprise des vols vers l'étranger se dissipent en raison de contraintes bureaucratiques qui menacent la survie des derniers rescapés de la crise sanitaire. On ne sait pas de quoi sera fait l'avenir pour notre activité », regrette, de son côté, Tlemsani Ahmed, membre fondateur du SNAT. Il précise que l'activité des voyagistes reste tributaire presque à 98% des destinations touristiques étrangères et que le tourisme domestique n'est aucunement rentable. « C'est bien de parler de tourisme domestique, mais en réalité le coût des prestations est exorbitant pour la plupart des Algériens. Le pouvoir d'achat actuel n'encourage pas le tourisme local. Nombreuses agences ont carrément suspendu leurs activité sur le réseau local car les charges générées sont plus importantes que les bénéfices », affirme notre interlocuteur. Sur sa lancée, il déplore que les aides promises par l'Etat pour soutenir ce secteur en souffrance demeurent insuffisantes voire « insignifiantes ». « Notre personnel n'a reçu finalement durant ces 18 mois d'arrêt de travail que quatre mensualités à raison de 10.000 dinars par mois (40.000 dinars au total). Pour les employeurs nous avons reçu seulement deux mensualités (60.000 dinars) », affirme la même source tout en regrettant le maintien par la CNAS et la CASNOS de toutes les charges sociales. « Aucune facilité ni rééchelonnement des charges sociales n'ont été accordés aux agences de voyages. Pourtant nous sommes à l'arrêt depuis plus de 18 mois », s'insurge notre interlocuteur. Les voyagistes s'attendent à une intervention de la présidence de la République pour soit l'octroi d'aides financières directes soit la facilitation de l'accès aux crédits bancaires bonifiés. « Aucune banque n'accepte de prêter aux voyagistes. Les établissements bancaires exigent une garantie de 100% du montant des prêts, mais la quasi-totalité des voyagistes ont été ruinés par ces 18 mois d'arrêt d'activité », explique la même source. Abordant la vente des billets d'avion par les voyagistes, notre interlocuteur a regretté les contraintes bureaucratiques imposées par certaines compagnies et leurs représentants aux voyagistes et en particulier Air Algérie. La compagnie nationale aérienne a ainsi appelé dimanche 6 septembre en cours ses clients à acheter leurs billets exclusivement en ligne. « Utilisez le service E-payement. Désormais achetez votre billet en ligne grâce à votre carte Edahabia d'Algérie Poste et votre carte interbancaire algérienne CIB. Ne vous déplacez que pour voyager ! », lit-on sur le site web de cette compagnie. Cette décision aurait été prise par la compagnie aérienne pour mettre fin à la polémique enclenchée fin juillet autour de la gestion de la vente des billets d'avion sur les lignes internationale. Le communiqué d'Air Algérie intervient quelques semaines après de graves accusations lancées par l'association de protection du consommateur et de son environnement (APOCE) qui a dénoncé l'opacité qui entourait l'opération de vente des billets après la réouverture des frontières. L'association suspecte l'existence d'un trafic qui profite de la tension sur les billets de cette compagnie en raison de la forte demande et d'une offre limitée. La mise au point de la compagnie aérienne nationale qui vise à couper court à toutes les spéculations ne fait pas que des heureux. Les voyagistes sont les premiers pénalisés par cette décision qui provoque le courroux de leurs syndicats. « Les agences de voyages sont une chaine de distribution de la compagnie nationale aérienne qui dispose de peu d'agences commerciales à travers le territoire national. Malheureusement cette relation commerciale a été interrompue unilatéralement depuis sept mois par la direction d'Air Algérie. Nous sommes traités comme des moins que rien par cette compagnie. Le minimum était de nous informer de ce qui se passe. Cette compagnie n'a même pas procédé au remboursement réel des billets annulés faute de vols depuis début 2020 ce qui est à l'origine de problèmes avec notre clientèle », regrette la même source. Le président du SNAT précise, quant à lui, qu'une demande d'audience auprès de la direction de cette compagnie a été déposée pour justement exposer tous les points de discorde.