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La charrette et l'âne

par Abdou BENABBOU

La dernière décision prise par le ministère du Commerce de permettre aux agriculteurs de vendre directement leurs produits aux consommateurs a surtout la faveur d'ouvrir la porte sur un lourd débat. Sans doute ne faudrait-il en retenir que la mise à l'index sur un problème essentiel pour le pays et sur lequel reposent indéniablement le présent et le futur de près de cinquante millions d'Algériens.

D'abord les producteurs ne se sont jamais adossés à la législation et aux directives officielles pour écouler leurs productions et tous ou presque se sont exercés dans des pratiques d'écoulement qu'ils ont jugées nécessaires pour s'en tirer à moindres frais et pour s'accrocher à un marché où tout le monde ne se pliait pas à un franc jeu.

Ensuite, depuis la vieille histoire du passage obligatoire par les CAPS et les fausses rigueurs de la facturation, la politique agricole a toujours eu des difficultés à saisir le sujet par le bon bout. La meilleure preuve a été livrée par la fameuse révolution agraire où le préconçu idéologique était à mille lieues de la réalité au point où la décision censée être révolutionnaire s'est avérée fantasme et vraie chimère. On n'ignore pas qu'une grande partie de la production agricole nationale est vendue à l'ombre «sur plan» et de nombreux agriculteurs cèdent leurs fruits et légumes avant semence, et trop heureux qu'ils pourraient l'être de ne pas s'embarrasser de la logistique inhérente pour leurs écoulements.

Dès lors que des marchés couverts sont farouchement et avec véhémence boudés pour que les vendeurs s'accaparent les trottoirs, on aura saisi la nature actuelle de la situation.

D'évidence, le monde agricole où les principaux acteurs sont livrés à eux-mêmes, tourne au ralenti à cause d'innombrables et variés impondérables où tout y est. De l'humain, ses plis et sa culture, de l'esprit et des rites, du manque de formation et de structures modernes pour que la charrette et l'âne soient les instruments privilégiés de la distribution du moment.

Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la charrue a été mise avant les bœufs et comme toujours on n'a pas tenu compte du grand écart entre le réel et le vœu.