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Grève du primaire: Les parents d'élèves en appellent aux enseignants et au ministre

par Houari Barti

Le cycle infernal des grèves à répétition dans le secteur de l'Education nationale, notamment le débrayage actuellement en cours des enseignants du primaire, fait réagir les parents d'élèves. Ces derniers, par la voix du président de l'Association nationale des parents d'élèves (ANPE), Khaled Ahmed, appellent les grévistes «à faire preuve de sens de la responsabilité», mais également le nouveau ministre du secteur, Mohamed Ouadjaout, à «ouvrir les canaux du dialogue avec les enseignants grévistes, dans l'intérêt de nos enfants».

Coincés entre le marteau des grèves interminables des enseignants et l'enclume du ministère de tutelle qui peine à trouver des solutions viables aux revendications du secteur, les élèves, et par ricochet, les parents, restent le maillon faible qui subit le plus gros de l'onde de choc de ce bras de fer. Aucune marge de manœuvre pour les parents pour sortir leurs enfants de cette situation si ce n'est, peut-être, de recourir aux cours particuliers pour rattraper le retard engendré par ces arrêts de cours, pourvu, bien évidemment, qu'ils aient les moyens financiers de se permettre une telle option. Khaled Ahmed est catégorique à ce sujet : «La grève est un droit constitutionnel, mais ceci ne doit pas se faire au détriment de l'élève». Pour lui, il s'agit essentiellement de «faire preuve de sagesse et de clairvoyance, et placer l'intérêt de l'élève au-dessus de toute autre considération». Pour beaucoup de parents en effet, ce sont principalement les élèves qui payent le prix de cette grève, dans un contexte marqué par «un silence irresponsable du ministère de l'Education» et une attitude «jusqu'au-boutiste des enseignants», déterminés, selon eux, «à poursuivre la grève pour une durée de trois jours d'affilée.» Dans ce sens, certains enseignants ont estimé, pour leur part, que la grève d'une journée/semaine «n'affectera pas l'apprentissage pédagogique des élèves mais son élargissement à trois jours/semaine peut rendre difficile l'achèvement du programme scolaire, ce qui est de nature à provoquer un écart en matière d'apprentissage entre les classes de la même école et entre les établissements scolaires». De même, le coordinateur du Syndicat national autonome des professeurs d'enseignement secondaire et technique (SNAPEST), Meziane Meriane, cité par l'APS, considère que «la perturbation des cours trois jours par semaine peut impacter l'apprentissage des élèves», appelant le ministère de tutelle à «trouver des solutions aux revendications des enseignants du primaire et ce pour l'intérêt de l'élève». Face à cette situation, plusieurs parents d'élèves passent cette période sur les nerfs, d'autant que ce genre de perturbations complique davantage leur quotidien, notamment les travailleurs. D'autres parents ont opté pour des cours particuliers afin de permettre à leurs enfants de rattraper les cours perdus. Interrogé par l'APS, Abdallah Dif Allah, spécialiste des questions éducatives, estime que l'interruption des cours «peut compromettre le principe de continuité qu'exige l'école, de même qu'elle porte préjudice au rythme scolaire et éloignera le secteur de l'éducation des normes internationales en terme de nombre de semaines de cours, en sus de priver les élèves des compétences nécessaires à la poursuite de leurs parcours éducatif». Le rattrapage des cours perdus reste, toutefois, «possible dans le cycle primaire, l'enseignant étant en mesure de récupérer les cours par des mesures pédagogiques comme la réduction du nombre des exercices», a-t-il ajouté, soulignant que «si la perturbation persiste jusqu'au troisième trimestre, le traitement du problème doit être envisagé sur le plan juridique et administratif».

Il est à rappeler enfin que les récentes déclarations du ministre de l'Education, Mohamed Ouadjaout, portant sur l'entrée en vigueur du statut particulier des travailleurs de l'Éducation, au plus tard le 31 mars prochain, ne semblent pas avoir eu l'effet de clamer les enseignants du primaire. La semaine dernière, plusieurs établissements primaires ont été touchés par la grève, dans quelques wilayas du pays. Interrogé sur les déclarations du ministre de l'Education portant sur l'entrée en vigueur du nouveau statut particulier dès le mois de mars, le porte-parole de la Coordination des enseignants du primaire, section Centre, Kamal Grine, répond que «les enseignants ont déjà entendu ce disque à l'ère du gouvernement de gestion des affaires». Et de s'étonner : «Comment se fait-il que le ministre ignore l'enseignant qui est la pierre angulaire dans la réforme de l'Ecole, en appelant, en premier lieu, les parents d'élèves pour discuter de la refonte des programmes scolaires, sauf, dit-il, s'ils veulent monter les parents d'élèves contre les enseignants !». Il poursuit : «Je pense que le ministre doit, en premier lieu, arracher les mauvaises herbes qui sont autour de lui, pour penser après à la révision des programmes.» Pour Abdelouahab Lamri Zeggar, porte-parole de l'Union nationale des personnels de l'enseignement et de la formation (UNPEF), les modifications qui vont être apportées suite à l'entrée en vigueur du statut particulier des travailleurs de l'Education sont «minimes, voire insignifiantes». Il explique que dans le cadre de ces changements, les modifications apportées vont garantir la promotion de l'enseignant assistant au grade d'enseignant du primaire, et le grade passera de la catégorie 7 à 10, les enseignants du primaire et les enseignants principaux du primaire seront de la catégorie 11 à 12 et de 12 à 13, respectivement. Mais pour Zeggar cette promotion n'améliore guère le pouvoir d'achat de cette catégorie, «ils percevront une augmentation qui ne dépasse pas les 1.730 DA» et avec aucune répercussion sur les salaires du personnel du Moyen et du Secondaire. L'UNPEF réclame une révision, de fond en comble, du statut particulier en dehors de la fonction publique. Il exige une nouvelle grille de salaires pour les 3 paliers, avec un régime indemnitaire incitatif. Et réclame, concernant le volet pédagogique, une transition vers une école de connaissance tout en impliquant les enseignants dans la refonte des programmes.