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Un «deal» aux relents électoralistes

par Abdelkrim Zerzouri

On serait politiquement naïf de croire qu'on pourrait régler le conflit entre Israël et la Palestine avec ce « deal du siècle », qui promet dans son emportement paix et prospérité au Proche-Orient. Pourquoi alors Trump et Netanyahu ont-ils déballé leur plan pour le soumettre à l'approbation des deux parties et chercher la caution internationale ? Ni l'un ni l'autre n'est naïf. Les deux principaux acteurs de cette pièce, en l'occurrence Trump et Netanyahu, savent pertinemment que le « deal du siècle » n'est pas réaliste et ne peut en aucun cas aboutir à un accord entre les deux parties directement concernées ou avoir un probe assentiment de la communauté internationale. Pourquoi alors avoir lancé maintenant ce plan dont on parlait depuis près de trois ans ? C'est une question pertinente qui s'impose loin des réactions de contestation, de soutien et de silence gêné, qui ont accompagné ces trois derniers jours l'annonce du « deal du siècle ». Ce dernier document, bâclé par un sens flagrant d'unilatéralité, proposé comme un pacte de capitulation aux Palestiniens et leurs alliés, a été rejeté dans le fond et la forme par l'Algérie, la Tunisie, la Turquie et l'Iran, qui ont clairement exprimé un soutien fort et indéfectible à la cause palestinienne et au droit imprescriptible et inaliénable du peuple palestinien frère à l'établissement d'un Etat indépendant et souverain avec El Qods-Est comme capitale. D'autres pays arabes dont le Maroc et les monarchies du Golfe sont restés ambigus dans leurs positions. Une ambiguïté qui donne l'avantage de la démonstration aux Américains et Israéliens. Autant dire des positions qui font atteindre l'un des buts recherchés à ce « deal du siècle », soit l'approfondissement des divisions dans les rangs arabes. Sur ce plan, la diversion est presque parfaite, puisque la brèche provoquée dans le mur de la résistance est béante. Reste seulement à espérer que les divisions n'affaiblissent pas les rangs des Palestiniens eux-mêmes. D'où l'appel de l'Algérie qui «exhorte les Palestiniens à resserrer les rangs et à parler d'une seule voix». C'est que le «deal du siècle», en sus de son aspect politique, comporte un volet économique qui risque de faire fléchir beaucoup de volonté, notamment dans la classe des hommes d'affaires, qui seraient attirés par le sens des affaires que promet ce document qui parle d'investissements atteignant 50 milliards dans divers secteurs de l'économie de la Palestine, de l'Egypte, de la Jordanie et du Liban. Sur un autre plan, les deux principaux initiateurs de ce « deal du siècle » ont, surtout, beaucoup à gagner sur le plan de l'aura politique interne, car tous les deux traversent une période politique des plus difficiles, accentuée par des déboires judiciaires, à la veille de rendez-vous cruciaux avec leurs électeurs. Quelque part, donc, en sus de la diversion provoquée dans les rangs des pays arabes, aussi bien Trump que Netanyahu se sont presque assuré des dividendes qu'ils comptent tirer de ce «deal du siècle», le premier en séduisant les électorats évangélistes et juifs qui comptent énormément pour tout président américain qui veut accéder ou se maintenir au pouvoir et le second en bénéficiant de l'appui US dans les visées colonialistes de l'Etat hébreu, notamment la reconnaissance par les Etats-Unis du Golan comme territoire souverain israélien, la reconnaissance d'El Qods comme capitale d'Israël, et le déménagement de l'ambassade américaine dans la ville sainte. Que ce «deal du siècle» aboutisse ou non à l'adhésion des Palestiniens et de la communauté internationale, là n'est pas la question essentielle, car les objectifs ambitionnés, électoralistes sont pour une grande part acquis.