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Conférence internationale en présence de Tebboune: La crise libyenne au menu à Berlin

par Ghania Oukazi

Plusieurs pays dont l'Algérie seront présents à Berlin pour participer à la conférence internationale pour la paix en Libye dont les travaux s'ouvrent, aujourd'hui dimanche, en début d'après-midi.

Organisée sous l'égide des Nations Unies, la conférence de Berlin réunira en plus de l'Algérie, la Russie, la Turquie, les Etats-Unis, la Chine, l'Italie et la France et devra en principe adopter une feuille de route de sortie de crise qui fera taire les armes et lancer le processus de réconciliation des Libyens entre eux. En effet, le monde a, aujourd'hui, les yeux braqués sur la capitale allemande où les hôtes d'Angela Merkel doivent examiner les derniers développements de la situation en Libye mais surtout la nécessité de convaincre les belligérants libyens de retourner à la table des négociations afin de convenir d'un consensus autour d'une solution politique à la crise dont laquelle a été précipité leur pays depuis 2011, faisant plus de 2.000 morts essentiellement des civils. Dans un rapport qu'il a transmis, mercredi dernier, au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres a appelé «à soutenir fermement» cette conférence et a invité les belligérants « à confirmer la cessation des hostilités». L'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, a affirmé pour sa part, hier samedi, que «la Libye a besoin que toutes les ingérences étrangères cessent, (...), c'est un des objectifs de cette conférence», Salamé a tenu à préciser en allusion au cessez-le-feu que «toute ingérence étrangère peut avoir quelque effet d'aspirine à court terme». Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov avait, lui, indiqué lors d'une conférence de presse qu'il avait animée à Moscou que «le plus important, maintenant, est qu'après la conférence de Berlin (...) les parties libyennes ne répètent pas leurs erreurs du passé en fixant de nouvelles conditions et en se lançant des accusations». La semaine dernière, la capitale russe avait, pour rappel, reçu les frères ennemis libyens, Fayez al-Sarraj, président du Conseil présidentiel du Gouvernement d'Union nationale (GNA) et le maréchal Kahlifa Haftar le chef des forces armées dans l'Est libyen, pour qu'ils paraphent l'accord de cessez-le-feu auquel avait appelé les présidents turc et russe et avant eux le président algérien et dont l'entrée en vigueur avait été fixée à minuit du dimanche 12 janvier.

Les pro -Haftar bloquent les installations d'hydrocarbures

Mais Haftar avait surpris tout le monde en refusant d'apposer sa signature au document de formalisation de l'accord en question. Ce qui a poussé le président turc à le menacer au cas il compterait reprendre ses hostilités militaires contre le GNA et Tripoli. Avec ça, le maréchal s'est dit jeudi prêt à se déplacer à Berlin et à «contribuer à son succès (de la conférence ndlr)». L'émissaire de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, veut faire preuve d'optimise en notant «avec satisfaction» que l'appel au cessez-le-feu en Libye a été entendu par les parties, espérant un «minimum de consensus international» à la conférence berlinoise. Fayez al-Sarraj a été pratiquement le premier responsable libyen à annoncer sa participation au rendez-vous allemand d'aujourd'hui.

Sur un site électronique turc, Recep Tayyip Erdogan a averti hier que «l'Europe fera face à une nouvelle série de problèmes et de menaces en cas de chute du gouvernement légitime libyen.» Il pense que «si l'Union européenne ne soutient pas de manière adéquate le Gouvernement d'union nationale (GNA) dirigé par Fayez al-Sarraj, ce serait une trahison de ses propres valeurs fondamentales y compris la démocratie et les droits de l'homme». Il a, en outre, souligné que «les organisations terroristes comme l'EI et Al-Qaïda, qui ont subi une défaite militaire, en Syrie et en Irak, trouveront un terrain fertile pour reprendre pied». Il a lancé à l'adresse de l'Union européenne qu'elle «doit montrer, au monde qu'elle est un acteur pertinent dans l'arène internationale». Son conseil est que «(...) les dirigeants européens devraient, toutefois, un peu moins parler et se concentrer sur la prise de mesures concrètes». Malgré le cessez-le-feu, les pro-Haftar membres du MNLA ont menacé, vendredi dernier, de bloquer les installations pétrolières du nord-est de la Libye que le maréchal contrôle depuis 2016, et ce, pour protester contre l'intervention militaire turque, en soutien au GNA. A la veille de la conférence pour la paix en Libye, ils sont passés à l'action en annonçant que «le Croissant pétrolier sera fermé». Le MNLA a appelé aussi à «la fermeture immédiate du gazoduc de Mellita (ouest) ainsi que les gazoducs de Brega et de Misrata».

Une conférence pour la paix sur fond de décisions dangereuses

Sur l'une des télévisions libyennes, le porte-parole des forces pro-Haftar, Ahmad al-Mismari a soutenu hier que «la fermeture des champs et des terminaux pétroliers est une décision purement populaire. C'est le peuple qui l'a décidée». Dans la nuit du vendredi au samedi, le porte-parole a animé une conférence de presse pour affirmer que les forces armées de Haftar n'interviendront sinon pour protéger le peuple s'il est confronté à un danger». La compagnie pétrolière libyenne (NOC) a réagi, hier, par la voix de son président, contre le recours à « ces outils de pressions» en condamnant fermement les appels à la fermeture des installations pétrolières et gazières. «L'arrêt des exportations (...) aura des effets graves, nous serons confrontés à l'effondrement du taux de change, à une augmentation forte et insoutenable du déficit national, au départ de sous-traitants étrangers et à la perte de la production future», a averti Mustapha Sanalla. Au regard de ces derniers malheureux et dangereux événements en Libye, des analystes s'empressent de penser que la conférence de Berlin est un rendez-vous international de trop qui n'aboutira à aucun consensus. Leur argument est que les pays qui y participent viennent tous avec un agenda personnalisé pour défendre leurs propres intérêts. Il est vrai que mis à part le document de formalisation du cessez-le-feu, il n'existe aucune feuille de route «libyenne» au menu de la conférence de Berlin. Annoncés pour demain à partir de 14h, les travaux seront ouverts par une séance plénière suivie de conclaves fermés à huis clos. Il est annoncé en outre des entretiens bilatéraux entre des chefs d'Etats dont les premiers réuniront les présidents turc et russe, Erdogan et Poutine.

Le président Tebboune s'est envolé hier après-midi vers Berlin.

Invité la semaine dernière par la Chancelière allemande, Abdelmadjid Tebboune plaidera à cette conférence internationale de haut niveau, en faveur d'une solution politique que seuls les Libyens négocieront entre eux. Solution que l'Algérie n'a eu de cesse de réitérer et ce depuis l'éclatement du conflit en 2011. L'on entend dire que si Berlin pourrait retenir des recommandations dans ce sens, le retour des antagonistes libyens à la table des négociations devrait être fait dans les plus brefs délais mais avec des préalables précis à savoir la préservation et le renforcement du cessez-le-feu sous l'égide des Nations Unies et le retrait de toutes les forces armées étrangères des champs de bataille...