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Quels remèdes pour la Santé ?

par Abdelkrim Zerzouri

Des instructions ont été données par le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Pr Abderrahmane Benbouzid, aux différents responsables dans le secteur pour opérer, sans délai, un changement qualitatif palpable pour les citoyens, notamment en matière de gestion des services des urgences médicales et de gynécologie-obstétrique. Comment et par quel miracle entend-il se faire obéir rien qu'au doigt et à l'œil ? Peut-on croire à un miracle qui revitaliserait le secteur de la Santé en Algérie ? Le « changement qualitatif palpable pour les citoyens » restera difficile à réaliser loin d'une révolution dans les esprits et les mauvaises pratiques qui se sont enracinées dans le secteur public de la Santé.

Le mal est tellement profond qu'on ne saurait se suffire de lui administrer des instructions pour prétendre le guérir. On peut s'en remettre à un traitement aux tranquillisants, suivre les voies de la bouffonnerie, que certains ex-ministres ont osé emprunter, en soutenant que nous avons un système de santé parmi les plus performants au monde, mais on ne dupera personne lorsqu'on verra de hauts responsables et leurs ayants droit aller se faire soigner dans les hôpitaux étrangers, y compris pour des maladies bénignes, ainsi que d'autres pauvres citoyens demander l'aumône des bienfaiteurs pour récolter le montant exigé pour subir une quelconque opération chirurgicale dans un hôpital turc, tunisien ou chinois.

De toute évidence, l'amélioration du système de santé ne peut pas se suffire d'instructions à la verticale (de haut en bas) pour créer le déclic du changement, le ministre doit bien le savoir, car il fera suivre ses instructions en insistant sur la nécessaire «introduction de nouveaux mécanismes» pour consacrer le professionnalisme, assurer aux personnels de la Santé de bonnes conditions de travail et de sécurité et protéger les biens des établissements de santé. En attendant, donc, l'introduction de ces «nouveaux mécanismes», et sans préjuger de leur efficacité ou inefficacité, puisque le concept reste vague en l'état, le diagnostic d'une «Santé malade» est maintenu sur la fiche d'observation. Des instructions ont été également données par le même responsable aux cadres du secteur pour « offrir de bonnes prestations hospitalières aux citoyens» sur le plan de l'amélioration de l'accueil, de l'orientation et de l'hygiène en milieu hospitalier.

Pourrait-on pour autant bâtir l'espoir de parvenir à une «humanisation» de nos hôpitaux sur cette fragile base de l'instruction verbale ou même écrite ? Un hôpital où le bon accueil, l'orientation appropriée et la bonne hygiène se côtoient ne nécessite pas du génie pour y parvenir. Mais cela reste une utopie tant qu'on ne s'attaque pas à la racine du mal, le changement des mentalités, qui passe par une application rigoureuse du terme rendement et ses répercussions salariales. On ne le dira jamais assez, il est indispensable de passer à la contractualisation de l'acte médical. Pour voir l'espoir du citoyen renaître, en matière d'accès à un meilleur traitement médical dans nos hôpitaux, il faut s'attaquer aux grands maux qui rongent le secteur, dont la corruption, la dilapidation de l'argent public (le budget alloué ces deux dernières années à la santé s'élève à près de 6 milliards de dollars pour aboutir à des mouroirs) et la fuite des médecins algériens. Des centaines de malades algériens sont soignés dans les hôpitaux français où travaillent plus de 15.000 médecins algériens formés dans les facultés algériennes, qui ont choisi l'auto-exil ! Plus que dans un autre secteur, la Santé a besoin de rétablir la confiance en son propre sein avant de gagner l'estime du citoyen.