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Workshop sur la question d'identité et d'appartenance: Regard croisé sur la représentation de l'«Autre»

par Houari Barti

«Nous avons été beaucoup plus victimes du regard de l'Autre que celui-ci victime du nôtre», a déclaré au Quotidien d'Oran le professeur Lakhdar Barka Sidi Mohamed en marge du workshop intitulé : «Nous sommes Algériens ; nous sentons-nous Africains ? Une question d'identité et d'appartenance», qui a traité la thématique de l'identité algérienne/africaine et le sentiment d'appartenance organisé jeudi dernier par le département d'anglais de la facultés des langues étrangères de l'Université Oran 2.

Selon le Pr Lakhdar Barka, le thème pose fondamentalement le problème de «la représentation que l'Autre a de nous, mais aussi là où les représentation(s) que nous avons de l'Autre». Donc il s'agit, de façon canonique, a-t-il expliqué, «d'un regard croisé» mais dans le sens où ce regard a, chez nous, «une tradition qui est celle d'avoir été beaucoup plus victime du regard de l'Autre que celui-ci victime du nôtre.» «Souvent, les grandes conquêtes, coloniales ont été alimentées par un imaginaire de l'Autre. A l'époque, il n'y avait pas les médias, les réseaux sociaux et tous les moyens technologiques que nous avons aujourd'hui pour savoir quel regard portaient sur nous les Autres. L'essentiel de la conception que l'Europe du 18ème ou du 19ème avait, était une conception produite par l'imaginaire, lui-même fruit des auteurs, plus particulièrement les auteurs canonisés», a-t-il expliqué.

Dans une communication présentée à l'ouverture de ce workshop, le Pr Lakhdar Barka s'est ainsi appuyé, pour illustrer ce regard croisé de la représentation de l'Autre, sur deux exemples de personnages romanesques : celui de «Jane Eyre» de Charlotte Brontë qui a, «disons, créé un archétype de la femme enfermée, de la femme non-émancipée objet du machisme de l'homme» et sur celui de «Vendredi», esclave de Robinson Crusoe de Daniel Defoe. «J'ai repris dans la même ligne d'idées, le travail de Kamel Daoud sur Meursault qui, à mon sens, de la même manière, met en cause l'assassinat de l'Arabe, qui est une représentation métonymique de la société algérienne avant l'indépendance et qui, quelque part, je pense, se situe, quand même dans une tradition postcoloniale qui contribue à nourrir l'imaginaire du soi et de l'autre comme étant un Autre différent et quelque part, peut-être, une façon de dire que cette différence, au lieu d'avoir été conçue comme une complémentarité, elle a été conçue comme un élément d'agressivité, d'animosité, une différence que l'on a comme dans Vendredi, c'est-à-dire d'un supérieur à un inférieur. » «J'ai pris aussi l'exemple de Salim Bachi, la même année 2013, et son ouvrage «Le Dernier Eté d'un Jeune Homme» où l'auteur nous montre comment, nous aussi, nous faisons une représentation des Autres, notamment de Camus, le Camus que nous Algériens avons remis en cause. Salim Bachi nous rappelle la dimension humaine de l'individu, et quand on connait bien Camus, quand on a lu ses travaux, quand on a vu ses actes et son comportement, on ne peut pas le juger uniquement sur la base d'une phrase qu'il a utilisée à la sortie de la cérémonie de remise du prix Nobel quand il a dit, «si je devais choisir entre la justice et ma mère, je choisirais ma mère»

Cette rencontre qui a attiré une forte participation de la communauté universitaire avait également comme objectif de revisiter l'Afrique à travers les œuvres de Chinua Achebe, Ngugi wa Thiong'o, Eskia Mphahlele, Léopold Sedar Senghor, Frantz Fanon, et bien d'autres auteurs africains.