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Décidément, chacun n'en fait qu'à sa tête dans ce
pays qui ne sait plus où donner de la tête. Le ministère de l'Education
nationale instruit régulièrement l'ensemble de ses directions afin de veiller
au bon déroulement des cours de soutien réservés aux élèves des classes
d'examen (5ième Année Primaire, 4ième A.M. et élèves des classes de terminale).
Hélas, la désaffection est manifeste au niveau de la majorité des
établissements scolaires de la wilaya. Ni les professeurs ni les élèves ne
prennent au sérieux ce type de cours censés consolider leurs connaissances,
notamment dans les matières scientifiques. Les motivations des uns et des
autres ne se rejoignant pas forcément. Dans le monde des enseignants - le sujet
fait débat - il est clair que la contrepartie financière publique ne fait pas
l'affaire de toute la sphère des adeptes des cours rémunérés à l'heure. Le
créneau en indépendant est nettement tentant, voire très juteux par rapport aux
modestes indemnités proposées par la tutelle. L'espace scolaire étant devenu le
terrain d'enjeux mercantiles. Instrumentalisée et touchée dans ses fondements
moraux, aujourd'hui davantage par le corporatisme de ses propres serviteurs (ou
serveurs, le sens péjoratif est tout autant valable), que par l'islamisme
rampant, l'école algérienne n'a pas fini de lutter pour s'émanciper de ses
souteneurs syndiqués. Les contestations récurrentes à des moments cruciaux de
la vie scolaire et dans un contexte de violence sociale rarement atteint, ont
enlevé tout caractère éthique à la démarche, fondée ou non, des initiateurs des
mouvements de grève. Pourtant, personne ne peut dire aujourd'hui que le maître
d'école est sous-payé puisque les successives revalorisations des salaires et
rappels depuis 2006 ont permis à la corporation de retrouver une certaine
stabilité sociale. Mais la perception que se fait la nouvelle génération
d'enseignants (ou à tout le moins une grande partie de celle-ci) du métier
d'éducateur n'est certainement pas la même, comparée aux difficultés vécues par
les aînés. Une vocation se construit, elle n'est pas le fruit du hasard ou d'un
choix par défaut. Trop souvent on vient à l'enseignement par dépit parce que le
marché du travail est devenu féroce. Le délitement de la fonction d'enseignant
a des causes assurément multiples et profondes. Il n'y a qu'à voir la
simplicité avec laquelle élèves et professeurs désertent les salles ouvertes
pour les cours de rattrapage pour se rendre compte du grand malaise qui affecte
une des institutions charnières du système culturel. Les quelques lycéens que
nous avons rencontrés avouent le fait que leurs enseignants préfèrent donner des
cours dans des garages ou locaux improvisés en salles de classe avec du
mobilier archaïque ; ce faisant ils multiplient par deux voire par trois leur
salaire. Une aubaine qui explique les résistances affichées à l'endroit de la
circulaire ministérielle qui consacre le cours de soutien comme une obligation.
Il se trouvera toujours un syndicat pour légitimer, si besoin est, ce défi en
cas de sanction. D'autant plus que les indemnités réservées aux cours de
soutien sont jugées dérisoires par rapport aux gains engrangés chez les
particuliers.
Du côté de la minorité d'élèves qui répondent à l'appel pour suivre des cours de soutien, l'on aura remarqué que seuls les meilleurs d'entre eux se présentaient aux cours officiels. Ceux en fait qui, à l'issue du premier trimestre, ont obtenu des notes acceptables. Le reste, manquant probablement de confiance, estiment la cause entendue et se limitent au strict minimum scolaire. Un peu comme si on leur avait soufflé l'adage ''Rien ne sert de courir, il faut partir à point''. Il y a enfin une troisième catégorie d'élèves baignant dans des milieux aisés qui, elle, opte systématiquement pour les cours payants en groupes ou en privé, c'est-à-dire à domicile. On reconnaît que les professeurs, du moins certains d'entre eux, accordent un traitement spécial à leurs élèves lorsque ces derniers s'avèrent être en même temps des " clients ". Il reste que la dévalorisation marquée des cours officiels de soutien organisés au profit des classes d'examen constitue un phénomène à prendre en charge et de manière sérieuse. Vu le niveau de l'enseignement et la qualité de la formation. Une étude à base d'enquêtes et de sondages devrait dans un premier temps baliser la réflexion dans la perspective d'une adaptation du système éducatif. Se peut-il qu'une femme de tempérament comme Mme Benghabrit s'investisse avec autant de courage afin de sauver le bateau ivre des récifs qui l'entourent pendant que des esprits bien pensants jouent aux inquisiteurs ? Afin, aussi, que tous les élèves de ce grand pays puissent prendre définitivement goût aux plaisirs de l'apprentissage scolaire dans ses formes les plus variées et les plus en phase avec le progrès universel sans renier nos valeurs identitaires et notre génie national incarné par les élites algériennes dans tous les domaines. |
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