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Violences, corruption, abus de pouvoir?: Le CNES dresse un «tableau noir» de l'année universitaire

par Abdelkrim Zerzouri

«La situation à l'université est catastrophique», a souligné le coordinateur national du CNES, Azzi Abdelmalek. Joint hier au téléphone, M. A. Azzi n'y pas allé avec le dos de la cuillère dans son évaluation de l'année universitaire 2016/2017. «C'est une année marquée par une recrudescence de la violence à l'université et par des scandales répétés de corruption», relèvera-t-il. Rappelant dans ce sillage que les syndicalistes qui dénoncent cette corruption sont harcelés et parfois agressés, dont «l'exemple le plus frappant est celui des enseignants de l'université Alger 3 qui ont été agressés physiquement par des agents de sécurité et par des Baltaguias avec la complicité de l'administration, ainsi que le cas de la coordinatrice de la section CNES Batna 2, qui a été agressée par un enseignant, envoyé pour perturber les activités de la section CNES». Il notera que «l'agresseur de l'enseignante en question a été sanctionné par la justice, mais malheureusement l'administration n'a pris aucune mesure contre l'agresseur». Pourtant, insiste notre interlocuteur, «quand des enseignants dénoncent la mauvaise gestion des responsables, ils sont traduits devant la commission paritaire à la vitesse de la lumière comme ce fut le cas des enseignants de l'ENSA injustement licenciés en début d'année sans aucun égard à leur carrière ni à leur statut de pionniers de l'ENSA».

Sans oublier d'autres cas de violences qui ont été signalés durant cette année universitaire à M'sila, à Bouira?alors que pour le cas de l'enseignant de l'université de Khemis Meliana, assassiné récemment par deux frères, M. Azzi nous dira qu'il préfère attendre les résultats de l'enquête engagée pour éclaircir les mobiles du crime et se prononcer sur ce cas grave qui a ébranlé l'université, même s'il est survenu hors de l'enceinte universitaire.

En tout cas, estime M. Azzi, «l'année académique 2016/2017 a été sans conteste l'année où la violence -sous toutes ses formes- régna en maîtresse des lieux à l'université mettant en danger les vies de plusieurs membres de la communauté universitaire. Les situations les plus alarmantes sont les cas de violences préméditées et organisées, liées de façon directe ou indirecte à la corruption». Dans une lettre que le CNES a décidé de transmettre au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique à l'issue d'une réunion de son bureau national tenue le 4 juillet dernier, il lui demande de «punir, selon les lois de la République, les responsables de l'agression des enseignants de l'université d'Alger 3 et que l'enseignant coupable d'agression contre un membre du bureau national à Batna 2, qui a été condamné par la justice, soit traduit devant un conseil de discipline, ainsi que le rétablissement dans leurs droits des enseignants licenciés de l'ENSA». Dans ce contexte, notre interlocuteur évoquera avec regret la décision de la commission de recours national qui a confirmé le licenciement de ces derniers enseignants. «La commission de recours nationale censée garantir un jugement juste des enseignants traduits en conseil de discipline, le plus souvent injustement, est devenue un outil pour les sanctionner», s'est-il indigné. Relevant que les membres du CNES ont été, justement, informés que «le renouvellement de cette commission est en train de s'effectuer avec une méthode digne d'une époque qu'on croyait révolue, avec des élections qui ne concernent pas toutes les universités, des candidats manquants sur la liste de vote, et des dates de vote très douteuses, certaines fixées le jour même de la sortie en vacances de quelques universités et carrément durant les vacances pour d'autres». «C'est insensé !, dira-t-il à ce propos, mais cela ne passera pas, promet-il, même s'il faut aller devant les tribunaux pour faire recouvrer toute sa légalité à cette importante instance de recours ultime pour les enseignants, une instance composée de 7 membres enseignants universitaires et 7 autres représentants de l'administration. Parlant de corruption, mauvaise gestion et abus de pouvoir, M. Azzi citera le cas considéré comme le plus scandaleux, qui a été dénoncé par le CNES aussi bien au responsable du secteur qu'aux hautes instances du pays, en l'occurrence celui «des enseignants de l'ENS de Kouba, qui travaillent en Arabie saoudite depuis plusieurs années, et qui perçoivent en même temps leurs salaires en Algérie». Gravissime affaire qui demande quand même des explications. «Plusieurs autres cas de harcèlement et d'abus de pouvoir nous ont été signalés à travers plusieurs universités», souligne encore notre interlocuteur, qui estime que toute cette lourde atmosphère qui enveloppe l'université est également favorisée par «l'ingérence de l'administration sur la pédagogie et la recherche». «Le bureau national du CNES, issu du congrès du 12 janvier 2017 à Alger, a subi des attaques de la part de ceux qui veulent étouffer toute forme de contestation, mais on ne se taira pas», promet M. A. Azzi, appelant dans ce sillage à la mobilisation des enseignants pour «des actions prévues à la rentrée universitaire au cas où l'atmosphère délétère à l'université persiste».