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Les complexes de l'indigène

par Moncef Wafi

5 juillet 1962-5 juillet 2017. L'indépendance d'un pays se mesure au bien-être de ses citoyens. Chez nous, en l'espace de 59 ans, les autorités, avec les milliards de milliards de dollars du sang de la terre, n'ont même pas été capables de construire des piscines communales pour les enfants de l'Algérie d'en bas. La mer étant devenue propriété privée de l'Etat et des barons des solariums malgré toute la littérature estivale du ministre de l'Intérieur, ces enfants et adolescents de l'arrière du pays n'ont d'autres choix que de se rabattre sur les points d'eau assassins, les plages non surveillées et les jets d'eau pour les plus chanceux. Et à chaque été son lot de comptabilité macabre, des corps repêchés des retenues collinaires et des disparus en mer.

Les enfants restent les premières victimes de ces pièges liquides, n'ayant d'autres opportunités que de piquer une tête, peut-être la dernière, dans une bâche d'eau d'un chantier de construction ou dans un barrage traître. Cette comptabilité morbide s'inscrit dans cette incapacité chronique de l'Etat à assurer la sécurité des gens et des biens. On ne le répétera pas assez, les Algériens se sentent de moins en moins en sécurité lorsqu'ils sortent de chez eux. On a peur pour la vie de ses enfants et la faute incombe à ce sentiment d'impunité qui semble traduire le laisser-aller des pouvoirs publics devant les dépassements enregistrés à tous les niveaux. A l'autre bout de la chaîne, le drame de ces pères divorcés qui assistent impuissants à l'expatriation de leurs enfants, de véritables rapts transfrontaliers par des mères divorcées. Le long parcours du combattant juridique n'a d'égal que leur déception, une fois devant les juridictions étrangères.

En effet, et malgré les conventions bilatérales signées par l'Algérie avec d'autres pays pour traiter ce genre d'affaires, les plaignants, forts des décisions rendues par la justice algérienne, se heurtent à la réalité de la réglementation. Ce que beaucoup de parents ne savent pas, c'est qu'ils ne pourront jamais récupérer leurs enfants emmenés à l'étranger après le divorce parce que l'Algérie n'a ratifié ni la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ni la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilités parentales et de mesures de protection des enfants. Perte de temps, d'argent et d'illusions.