Ce
mercredi 19 avril, la première pierre de l'usine Total sera posée
symboliquement au pôle d'activités de Béthioua. Sont
attendus, entre autres invités de marque, le Premier ministre Sellal et le patron de Total Lubrifiants Algérie. Un
événement protocolaire qui vient mettre fin à un «manque de sérieux» des
Français dénoncé, en janvier dernier, par le ministre de l'Industrie et des
Mines en visite sur site. Pour rappel, Abdessalem Bouchouareb, dépité par le retard pris dans la
concrétisation du projet d'usine de lubrifiants de Béthioua,
s'est attaqué frontalement au groupe français. La couverture de la visite
ministérielle telle que rapportée par Le Quotidien d'Oran témoigne d'un Bouchouareb vexé et courroucé par l'attitude des Français.
Qualifiant les lubrifiants «comme produits de substitution à l'importation», il
menace Total de ne pas jouer avec le feu. «Il y a d'autres compagnies qui
veulent venir investir dans ce créneau. Je ne peux plus continuer à les
contenir», dira-t-il à l'adresse des partenaires hexagonaux. Un aveu de taille
sur l'assurance gouvernementale d'une quasi-exclusivité d'investissement
étranger sur le marché national des huiles et lubrifiants pour le groupe Total.
Fin 2015, Bernard Carbo, directeur général du groupe
composé des deux filiales Total Bitumes Algérie et Total Lubrifiants Algérie,
déclarait, lors d'une conférence de presse à l'hôtel Sofitel d'Alger, que «nous
allons produire le premier bidon de lubrifiant en Algérie dès le 1er trimestre
2017». Puis, plus rien. L'Algérie se retrouve face à un partenaire-fournisseur
pas trop pressé d'assurer une indépendance algérienne en matière de lubrifiants
puisque le pays est client de sa marque. En effet, Total est considéré comme le
deuxième distributeur de lubrifiants en Algérie (après Naftal),
avec 30.000 tonnes par an et une part de marché de près de 15%. Le groupe
commercialise en Algérie une large gamme de lubrifiants dont certains sont
importés, d'autres fabriqués à l'unité de blending de
Naftec, filiale raffinage de Sonatrach.
La position algérienne de vouloir impérativement faire affaire avec Total est
des plus problématiques et l'insistance du ministère de tutelle à offrir tous
les avantages aux Français appelle à des interrogations. «Ou vous jouez le jeu
et vous aurez tous les avantages de mon département et ceux de mon
gouvernement, ou bien, vous ne jouez pas le jeu et, dans ce cas, on ouvrira
grande la porte de l'investissement dans ce circuit», promettra d'Oran Bouchouareb. Pour rappel, et théoriquement, l'usine de Béthioua devra produire 40.000 tonnes de lubrifiants par an
avant de passer à l'exportation d'une part de sa production de blending, c'est-à-dire le mélange des différentes huiles de
raffinage et des additifs particuliers, vers plusieurs pays africains et
méditerranéens. La cérémonie de mercredi vient également sceller une nouvelle
ère entre le groupe pétrolier français et les Algériens. Total avait mis fin,
il y a quelques jours de cela, à la procédure d'arbitrage international lancée
en mai 2016 devant la Cour internationale d'arbitrage, à Genève, aux côtés de
son partenaire espagnol Repsol. Au cœur du conflit,
la décision de l'Algérie d'instaurer, en 2006, de manière unilatérale et
rétroactive, une «taxe sur les profits exceptionnels» des compagnies
étrangères. Ainsi, Total a annoncé, lundi dernier, la signature d'un accord
global avec Sonatrach, permettant «la concrétisation
de nouveaux projets dans l'amont pétrolier» ainsi que «le règlement à l'amiable
des différends entre les deux compagnies».