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Valeurs sociales et purgatoire

par Abdelkrim Zerzouri

Le chaos qui règne sur l'échelle des valeurs est à l'origine de profonds bouleversements de la vie socioéconomique. Nous vivons une époque où les citoyens sont, parfois, stressés, mécontents, prêts à vous exploser au visage, pour un oui ou un non, tantôt vaquant à leurs occupations comme des automates, sans aucune confiance ni en soi, ni en l'autre, rarement l'air souriant. Pourquoi ? Parce que rien, personne, n'est à la place qui lui sied. Rien ne va comme on le souhaite ou comme le veut la logique. C'est décourageant de faire de longues études pour se retrouver, en situation de chômage, au bout du cursus universitaire. Et, on est, encore, plus abattu quand on se retrouve, en bout de parcours, à comparer entre celui qui a fait des études et celui qui a quitté les bancs de l'école, à son jeune âge, ou entre un citoyen sage et gentil avec un autre qui n'a pas froid aux yeux et qui use de tous les moyens pour arriver à ses fins. Parfois, bénéficiant de l'appui de gens bien placés, il se retrouve, miraculeusement, propulsé en haut de la hiérarchie, sans maîtriser son sujet. On se retrouve, donc, au bout, à se demander comment faire pour réussir dans la vie, dans ce pays ? Choisir une vie studieuse ou aller dès son âge, s'imprégner des affaires scabreuses dans les milieux sans foi, ni loi ? Des parents arrivent, difficilement, à convaincre leurs progénitures de faire des études si une autre opportunité, commerciale ou autre, leur est présentée par le fils ou la fille. L'exemple du voisin qui roule en voiture rutilante et qui gère un lourd portefeuille, sans jamais avoir mis les pieds dans un lycée ou une université, est vite donné en exemple, par le fils ou la fille, lorsque le père se montre trop rigide sur la question des études. Et, il faudrait, franchement, faire preuve de beaucoup de talent et d'ingéniosité pour expliquer aux jeunes, et les convaincre surtout, que l'exemple est mauvais et qu'on peut réussir dans la vie après des études brillantes à l'université. On ne peut, bien sûr, jamais leur faire entrer dans la tête cette vision, mais ils s'y feront à défaut d'autres options disponibles. Ils iront à l'université, et ils finiront avec un Smig. Alors que le copain du quartier a commencé sa vie dans un petit commerce informel et qui s'en sort très bien en ayant amassé durant des années un pactole qui le met à l'abri du besoin, malgré son jeune âge. Et un autre qui a réussi en politique et s'est introduit dans les rouages institutionnels, en réussissant, à peine, à reproduire sa signature. Ils sont mieux respectés dans la société que notre diplômé qui a usé son pantalon sur les bancs de l'école et à l'université. Une société aux valeurs renversées d'une manière systématique donne, forcément, un peuple déboussolé. On ne sait plus quelle direction prendre pour arriver à bon port. D'où l'instauration d'un environnement général repoussant, pas du tout harmonieux. Et, comme l'harmonie sociale joue un rôle décisif dans le façonnement des esprits et des relations humaines, entre les uns et les autres, on est bon pour le purgatoire.