L'agglomération de Ras El Ma, située sur
le territoire de la commune de Bouhachana, a eu
l'insigne honneur d'abriter la cérémonie commémorative du 60e anniversaire de
la bataille qui a eu lieu du 2 au 3 avril 1957, cataloguée comme l'un des hauts
faits d'armes de la région pendant la lutte de libération nationale. Les 2
unités combattantes de l'ALN (section de Oued el Ar et section de la Mahouna) étaient aux aguets sur les monts dominant Bouhachana, un ensemble de contreforts escarpés et rocheux
dressés au pied des massifs culminants de la Mahouna.
Une délation avait signalé la présence des moudjahidine et les convois
mobilisés de l'armée coloniale ont déversé les contingents héliportés et des
troupes au sol pour encercler les «rebelles», appuyés par l'artillerie lourde,
les chars «Tigre» et l'aviation (hélicoptères, T6 et B26). La bataille avait
commencé à l'aube du 2 avril pour se terminer très tard dans la nuit, où 24
martyrs sont tombés au champ d'honneur et 11 moudjahidine blessés ont été
capturés. Le moudjahed Salah Meddour qui commandait
les 2 unités de l'ALN raconte: «Nous étions surpris
par l'encerclement rapide et étions contraints de profiter de notre
positionnement en hauteur et protégés par les parois rocheuses du terrain, pour
effectuer des tirs de barrage sur les troupes ennemies qui tentaient de
remonter vers nous. Notre résistance a été très rude et c'est au milieu de la
journée que les pilonnages de l'artillerie lourde et les bombardements des B26
ont été accentués, s'acharnant sur nos positions en faisant exploser les parois
rocheuses qui se transformaient, par ricochet, en projectiles meurtriers.
Plusieurs de mes hommes ont été blessés ou tués par des éclats de cette roche
transformés en lames de cristal, sous les tapis des bombes des B26 et des obus
de l'artillerie lourde. Moi-même, je fus profondément blessé par ces éclats qui
avaient défoncé mon thorax et mon diaphragme». Les 11 blessés ont été
transportés à la caserne militaire de Guelma pour des soins et pour leur
traduction devant la justice. C'est en écoutant la notification de leur
inculpation par le juge d'instruction que les combattants prisonniers
apprenaient l'intensité des dégâts occasionnés à l'ennemi lors de cette
confrontation armée: «Vous êtes inculpés pour le
meurtre de 200 soldats français et la destruction volontaire de 4 avions de
l'armée française». Sous cette inculpation, les 11 moudjahidine furent traduits
devant un tribunal expéditif qui prononça à leur encontre 6 condamnations à
mort et 5 réclusions à perpétuité. Avant son renvoi vers les couloirs de la
mort, le moudjahed Salah Meddour, qui avait un statut
éphémère de «grand blessé gravement atteint», fut transféré en civière vers
l'hôpital d'Annaba. Lors de son séjour hospitalier, les réseaux actifs dans le
soutien à la lutte de libération nationale avaient organisé et réussi son
évasion. 60 années après, le rebelle est revenu sur les lieux pour se
recueillir devant la stèle du souvenir et son marbre blanc où sont incrustés,
pour l'éternité, les noms de ses compagnons tombés ce jour-là. Du haut de ses
83 ans, sur un ton empli d'émotion, il débita le récit de cette bataille qui
est toujours dans la mémoire collective, et les propos semblent s'adresser à la
jeunesse qui gonflait l'assistance. Au-delà des charges émotionnelles et des
légendes qui entourent cette race d'hommes qui n'hésitent pas à aller au
sacrifice suprême pour une cause juste, il y a l'homme affable et humble qui
parle avec sagesse, une archive vivante, témoin d'une ère très prestigieuse où
l'on n'hésitait pas à prendre les armes à 20 ans pour mourir en défendant la
patrie.