Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le juste prix

par Moncef Wafi

L'Etat algérien peut-il réguler le marché des produits agricoles ? Peut-il contrôler au moins le prix de la pomme de terre, véritable baromètre de la mercuriale au détail ? Tous les indices convergent vers une incapacité chronique des pouvoirs publics à recadrer un secteur qui échappe à tout contrôle risquant de plonger le pays dans une spirale spéculative et inflationniste durable.

L'aveu du ministre du Commerce par intérim, Abdelmadjid Tebboune, est illustratif à plus d'un titre. En effet, et alors qu'il annonçait la libération des licences d'importation, le représentant du gouvernement affirmait, à qui voulait le croire, que le vrai prix de la pomme de terre est 45 dinars le kilogramme. Ces derniers jours elle a été cédée jusqu'à 100 DA et plus. Le ministre n'avait pas hésité à mettre sur le compte des spéculateurs la désorganisation du marché et partant les prix démentiels des produits de large consommation. Le ministre avait derechef réitéré ses menaces quant à l'implacabilité de l'Etat devant tous ceux qui osent toucher aux besoins alimentaires de base du citoyen.

A ce propos, Tebboune avait annoncé sa volonté de faire la guerre aux spéculateurs, promettant des mesures répressives «rigoureuses» contre les commerçants en infraction durant le Ramadhan. Le ministre précisera que ces dispositions réglementaires concerneront les spéculateurs sur les produits de large consommation.

Ce n'est pas la première fois que le ministre s'attaque à cette pratique commerciale à l'origine de la flambée des prix et des ruptures de stock contrôlées, puisqu'en février dernier il les avait mis en garde, les menaçant de «sanctions maximales». Tebboune avait même assimilé les infractions liées au non-respect des prix des produits subventionnés à un détournement de deniers publics.

Le marché est désormais soumis à une forte pression et sa dérégulation complète n'est qu'une question de temps puisqu'en l'absence d'une stratégie efficiente de l'Etat et sous le poids des spéculateurs, la cassure est inévitable. Le prochain Ramadhan est un réel indicateur de la suite des événements et c'est dans cette optique que le ministre a réitéré ses mises en garde alors que les prix de tous les produits se sont envolés. Si les coupables sont désignés officiellement et livrés à la vindicte populaire, il n'empêche que l'Etat porte une grande responsabilité dans la situation actuelle, incapable qu'il est de mettre de l'ordre dans les marchés de gros. L'absence de visibilité et surtout d'efficacité des associations de protection du consommateur en Algérie contribue également à ce climat délétère des marchés où désormais aller faire ses courses rime avec tir au canard. Et le canard, c'est bien le consommateur !