Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

El Assad s'est-il tiré une balle dans le pied ?

par Kharroubi Habib

A moins que le pouvoir qui la contrôle ait perdu toute lucidité, l'armée syrienne ne peut avoir utilisé des gaz de combat contre des cibles de l'opposition comme l'en accuse celle-ci aussitôt relayée en cela par les puissances et leurs médias qui lui sont acquis.

Le recours à l'arme chimique est en effet la faute fatale que commettrait le régime syrien alors que ses succès militaires et diplomatiques ont mis à mal cette opposition. El Assad qui se sait désormais en position de force vis-à-vis d'elle sur le terrain et autour de la table de négociation n'ignore pas que si son armée est confondue d'avoir fait usage de l'arme chimique, cela retournerait contre lui et son régime l'opinion internationale et leur ferait perdre l'avantage qu'ils ont pris sur cette opposition. Imaginer que conscient que pour lui la faute à ne pas commettre est celle-là, il s'est tout de même tiré une balle dans le pied dans un état d'esprit rien moins que suicidaire, ce dont nul ne pense qu'il en soit mû. L'accusation d'usage de l'armement chimique par l'armée syrienne est systématiquement lancée contre elle à chaque fois que la situation sur le terrain en Syrie ou diplomatiquement évolue en faveur du régime. Il n'était pas inattendu qu'elle le soit à nouveau au vu que l'opposition se retrouve acculée sur ces deux fronts. Les territoires contrôlés par elle se réduisant en peau de chagrin devant l'irrésistible avancée des forces loyalistes et perdant les appuis diplomatiques qui la confortaient dans son exigence du départ de Bachar El Assad, l'opposition peut en avoir été réduite à relancer la « bombe » de l'usage des gaz de combat dont elle sait l'effet diabolisant qu'elle peut avoir contre le régime et son chef si sa propagande et celle de ses alliés parviennent à en convaincre l'opinion internationale. Pressée de poursuivre les négociations qui se déroulent à Genève qu'elle veut pourtant quitter au constat qu'elle n'est pas en position de faire valoir son préalable de la mise hors jeu du président syrien, l'opposition s'est donné prétexte à les rompre en imputant à l'armée syrienne d'avoir gazé la population à Idleb. Tous ceux qui sont contre un accord de paix inclusif en Syrie et s'acharnent à diaboliser le régime lui ont emboîté le pas et gesticulent pour tenter de disqualifier celui-ci de la solution à même d'arrêter le sanglant conflit.

Le pouvoir français dont l'acharnement à obtenir la chute de Bachar El Assad a semblé avoir cédé la place à une vision plus pragmatique de la réalité syrienne, s'est aussitôt emparé de l'accusation soutenue par l'opposition et a pris l'initiative de demander une réunion urgente du Conseil de sécurité. Avec l'espoir certainement que l'accusation d'usage des armes chimiques portée contre le régime forcerait le président américain et son administration à mettre fin au rapprochement qu'ils ont esquissé en direction de Bachar El Assad et de son régime, l'ayant contraint par vassalité à « manger son chapeau » et à faire la preuve qu'il n'est qu'un acteur aux ordres dans le conflit syrien. La fin proche de ce pouvoir est une échéance qui conforte le président syrien et il faut dénier à celui-ci toute sagacité politique pour l'estimer inconscient du risque qu'il aurait à lui donner matière à rebondir contre lui.