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Libye: La diplomatie, Ouyahia et Ghannouchi

par G. O.

  «L'Algérie n'a besoin de personne pour établir des passerelles avec des personnalités, des partis politiques ou de quelconques institutions.»

Cette sentence est prononcée par des canaux diplomatiques qui estiment que « les conflits dans la région et dans le monde arabe sont des questions trop sérieuses pour les séparer de la sécurité nationale ». L'on ne s'empêche pas de souligner à cet effet que « le président de la République est le seul responsable de la diplomatie, nous les diplomates, nous sommes des exécutants et nous nous devons de lui rendre compte ». C'est du fait que la diplomatie « est une exclusivité du président », selon eux, qu'il a confié le dossier de la crise libyenne au département de Abdelkader Messahel. C'est d'ailleurs le ministre des Affaires maghrébines et africaines et de la Ligue des Etats arabes qui sera le 1er mars à Tunis pour discuter avec ses homologues tunisien et égyptien des contours que devra prendre le sommet tripartite (l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte) sur la Libye. Il est clair que la concertation avec la Tunisie en tant que pays limitrophe est permanente et inclut en évidence sur des questions de sécurité et de stabilité des frontières. C'est d'ailleurs à cet effet que l'Algérie a pesé de tout son poids pour ne pas voir la situation politique tunisienne interne se dégrader en raison de la complexité et de la fragilité de la conjoncture. Bouteflika a ainsi reçu plusieurs personnalités politiques dont Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi récemment.

Ouyahia en tant que SG du RND chez Ghannouchi

Ce dernier avait fait les unes de médias nationaux et internationaux. « L'Algérie a demandé à Ghannouchi de faire des concessions pour éviter de ne pas rentrer en guerre avec les autres acteurs politiques tunisiens », expliquent des sources diplomatiques. Ghannouchi a été aussi reçu par Messahel pendant de longues heures pour les mêmes motifs. Le ministre devait lui rendre la visite quelques jours après. Mais faute de temps en raison de lourdeurs d'agendas régionaux, africains et arabes, Messahel n'a pas pu faire le déplacement. Ahmed Ouyahia est par contre parti à Tunis en tant que secrétaire général du RND pour rencontrer le chef islamiste. « Il est évident qu'il n'a jamais été question pour l'Algérie que Ghannouchi sous-traite pour elle auprès d'un quelconque pays, c'est une aberration, elle n'a besoin de personne pour établir des passerelles avec des parties ou d'autres », soutiennent des sources diplomatiques. Nos diplomates estiment que « l'Algérie n'a de problème ni avec l'Egypte ni avec l'Arabie saoudite, nos trois pays se trouvent dans des zones de turbulences, on en discute directement ». Les déclarations de Ghannouchi ont laissé planer des doutes sur la finalité qu'il voulait donner à son déplacement à Alger. Mais, affirment d'emblée les analystes, «ses déclarations sont pour une consommation tunisienne interne, pas plus».

Au regard de la détérioration sécuritaire dans la région, la lutte antiterroriste est qualifiée par des responsables de « vecteur essentiel pour la diplomatie algérienne ». La déflagration de la région sahélo-sahélienne et la dangereuse propagation du terrorisme dans plusieurs régions du Mali laissent nos responsables se poser de grandes questions. Elle déplore en même temps « la prise en étau » du Niger par des problèmes sécuritaires. « L'Algérie s'implique dans la région pour apporter des solutions dans des zones rongées par les turbulences », affirment nos sources. Ils notent clairement que « la déradicalisation est l'affaire de l'Etat, c'est une approche globale, c'est un débat avec nos partenaires ».

Une centaine d'Algériens en Syrie

L'Algérie mène «un dialogue stratégique» sur ces questions avec 5 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU (Les Etats-Unis, la France, la Russie, la Chine et la Grande-Bretagne).

La Syrie est cette autre crise dans laquelle l'Algérie s'implique profondément pour contribuer à lui trouver une solution politique. La Tunisie se trouve directement concernée en raison de la présence dans les zones syriennes de guerre de près de 3.900 de ses ressortissants « avec toutes les conséquences que pourrait induire leur retour dans leur pays et dans la région du Maghreb », souligne-t-on. L'on dénombre 88 nationalités de combattants présents en Syrie dont 9.000 de Russie. Selon un comptage de laboratoires étrangers, l'Algérie n'en a pas plus d'une centaine «dont beaucoup sont des binationaux». Pour rappel, 535 Marocains ont voulu il y a quelques mois transiter par l'Algérie pour rejoindre les zones de combat en Libye. Les autorités algériennes ont procédé à leur arrestation et à leur rapatriement par vols réguliers. L'Algérie rappelle au passage qu'elle a refusé de tenir une réunion dans le cadre des 5+5+5 (les cinq pays de la rive nord méditerranéenne, les 5 de la rive sud et 5 autres de l'Afrique). La raison évidente est que l'Algérie rejette l'idée européenne qui cherche à faire d'elle une zone tampon pour freiner les migrants clandestins face à une Europe transformée en citadelle.