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Alger, Mecque de l'Elysée

par Moncef Wafi

Comme de tradition, depuis Chirac, en 2001, et à chaque fin de quinquennat présidentiel français et d'une nouvelle bataille pour l'Elysée, Alger reçoit les candidats forts, de gauche comme de droite, à l'exception du champion du Front national. Cette année, on ne déroge pas à la règle et les noms, adoubés par les partis politiques français en lice pour la présidentielle d'avril, ont coché la capitale algérienne dans leur agenda préélectoral. Objectif : sonder Alger, essayer d'avoir son parrainage et, dans la foulée, une option sur l'important vivier électoral migratoire issu de la communauté algérienne en France et de la deuxième génération (fils d'immigrés).

Si Alger, l'officielle, joue le jeu, recevant sur le même pied d'égalité droite et gauche française, l'expérience de ce pèlerinage politique n'a pourtant rien apporté de concret au pays si ce n'est les privilèges encore renforcés pour les apparatchiks algériens et leurs familles. De l'Algérie, on suit de près l'évolution des forces et des chances de chaque candidat avec comme prisme de vue les centres d'intérêts politico-économiques entre les deux capitales et surtout les deals secrets passés entre les classes dirigeantes respectives. Pourtant, l'exercice est incontournable dans l'esprit des décideurs même si sa portée reste somme toute symbolique.

En effet, Alger n'a rien à offrir de concret au prochain locataire de l'Elysée puisque, si préférence il y a, elle est tue pour des considérations purement diplomatiques. Quant au futur président français, ses promesses électorales en direction de l'Algérie et de sa communauté établie en Hexagone ne sont finalement? que des promesses qui n'engagent que sa parole. Mais ces visites empaquetées dans un emballage électoraliste ont leur pendant. Et un sérieux, à risques. Avec la question de la mémoire, de la repentance et de la colonisation, les candidats français manœuvrent dans un terrain miné qui a été fatal à plusieurs d'entre eux, à l'exemple de Sarkozy.

Entre le poids du vivier électoral émigré et des anciens de l'Algérie française, des nostalgiques de l'OAS et du contingent des harkis, l'équilibre est précaire et l'exercice périlleux. Les candidats à l'Elysée, gauche, droite, devront jouer aux funambules de peur de froisser des susceptibilités à fleur de peau qui peuvent jouer un rôle déterminant dans le décompte des voix pour le premier tour. Les déclarations des uns et des autres sont déterrées et les dérapages contrôlés ou accidentels remis au goût du jour. En jeu, ce lien entretenu avec une colonisation diversement appréciée des deux côtés de la rive et qui, apparemment, sera toujours présente et pesante, même dans l'intimité politique française.