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Malgré les mises en garde des autorités: Hausse sauvage des prix

par Abdelkrim Zerzouri

  Alors que les marchés sont gagnés par une frénésie jamais connue par le passé, présageant le pire dans les prochaines semaines, le ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville, ministre du Commerce par intérim, Abdelmadjid Tebboune, a lancé une contre-offensive dans le but évident de remettre de l'ordre dans cette jungle squattée par des vautours spéculateurs.

Avant-hier, en présidant une rencontre avec les cadres du ministère du Commerce, la première depuis sa désignation à la tête du secteur en janvier écoulé, M. Tebboune a lancé une mise en garde contre l'augmentation des prix des produits subventionnés, avertissant que les spéculateurs seront frappés de sanctions maximales. Soulignant dans ce contexte que les infractions liées au non-respect des prix des produits subventionnés et codifiés par l'Etat relevaient d'un détournement de deniers publics et d'un détournement illicite de ses aides. Connu pour être quelqu'un qui va jusqu'au bout de ses idées, M. Tebboune, qui se trouve à la tête de ce département en tant qu'intérimaire, semble prendre une voie qui demanderait du souffle, voire une longue haleine, tellement le secteur est écrasé par une chape de plomb que ses prédécesseurs ont eu du mal à faire bouger d'au moins quelques centimètres. Mais la situation exige effectivement une intervention énergique et rapide pour éviter le chaos. Touchant du doigt le mal, il a souligné « l'impératif de protéger les citoyens contre le monopole exercé par certains commerçants sur les marchandises pour favoriser la spéculation et la pénurie qui se trouvent à l'origine de la flambée des prix touchant même ceux des produits subventionnés par l'Etat ». A Annaba, de source puisée auprès de la Fédération des boulangers, ces derniers ont décidé unilatéralement, à l'issue d'un mouvement de grève, d'augmenter le sacro-saint prix de la baguette de pain à 15 dinars ! Les boulangers en question ont tenté de faire rallier à leur cause d'autres professionnels de wilayas limitrophes, sans grand succès. L'exemple reste, donc, limité mais jusqu'à quand ? En tout cas, le message de M. Tebboune a été clair là-dessus, « ils subiront des sanctions maximales, nous ne tolérerons aucune atteinte à l'économie nationale ni à l'intérêt du citoyen », a-t-il martelé devant les cadres du ministère. Et, il prendra exemple sur un domaine dont les rouages lui sont familiers, le BTP en l'occurrence, en relevant que le prix du ciment a connu une hausse vertigineuse du fait d'une panne technique d'une unité dont la production ne dépasse pas les 750.000 tonnes/an. Alors que, affirmera-t-il, notre production nationale s'élève à quelque 19 millions de tonnes par année, et qu'il n'est pas pensable que l'arrêt d'une unité puisse impacter la production sur le marché national et faire grimper les prix à des niveaux aussi élevés. Des exemples du genre, il y en a des tas, certains motivés par des hausses collatérales, poussés vers le haut par la hausse des tarifs énergétiques, de carburants ou d'eau, mais d'autres relèvent carrément de l'enrichissement illicite. Et le marché du tabac figure dans le lot comme créneau placé sous la domination des trafiquants et des spéculateurs. Depuis le mois de décembre dernier, les cigarettes connaissent augmentation sur augmentation. « C'est devenu comme une bourse où il faut demander matin et soir le prix de son paquet de cigarettes », raillent des fumeurs, qui rappellent que le domaine est pourtant régi par des règlements stricts et les prix sont fixés par les producteurs et approuvés par les pouvoirs publics à travers les indexations fiscales (prélèvement de taxes). Où est l'Etat dans tout ce nuage de fumée, où sont les brigades de contrôles qui doivent agir contre les spéculateurs, y compris les commerces de tabacs, dont les faibles arguments se réfèrent à un commerce de gros ? Qui fixe les prix ? Il y a, à peine quelques jours, un producteur de tabac a lancé des encarts publicitaires où les prix à la vente de ses produits sont fixés, et il se trouve que ces prix ne sont pas respectés par les commerces de tabac, qui rajoutent jusqu'à 50 dinars sur le prix légal, sans crainte ni honte. M. Tebboune a parfaitement raison de hausser le ton, quant à secouer le cocotier, c'est une autre paire de manches. Le risque est réellement grand de voir ces spéculateurs toucher à la stabilité sociale en se tournant vers tous les produits de première nécessité, subventionnés par l'Etat, comme le lait et la semoule. Evoquant le dossier d'importation, le ministre du Commerce par intérim a fait savoir que le gouvernement cherchait les meilleurs moyens de protéger l'économie nationale et préserver les ressources extérieures du pays. Il n'est pas question d'austérité mais de rationalisation des dépenses, a-t-il dit. Nous traversons une conjoncture financière qui requiert un usage judicieux des ressources et des décisions audacieuses, nous nous employons à rationaliser les dépenses et réduire les importations sans influer sur le marché intérieur ni le niveau de vie du citoyen, a encore expliqué M. Tebboune. Pour le ministre du Commerce par intérim, il s'agit « de protéger l'économie nationale contre les parasites et l'importation anarchique qui nous conduiront vers le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ». Il a estimé dans ce contexte que l'importation de marchandises produites localement, désavantageait l'économie nationale, justifiant dans la foulée la récente interdiction d'importation des agrumes. « L'Algérie n'est pas un déversoir des produits d'importation », a-t-il insisté arguant que l'utilisation exclusive des matériaux de constructions locaux a permis d'économiser 1,4 milliard de DA au profit du Trésor public. M. Tebboune a assuré que dans ses démarches visant à réduire les importations, l'Algérie respectera tous les accords internationaux concernant la sécurité des consommateurs et la qualité des produits importés.