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Union Européenne: Impasse politique et dérive populiste

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Le Sommet européen informel de Bratislava de vendredi dernier annonce la méfiance et le repli sur soi d'une Europe inquiète et qui s'inquiète.

Le dernier Sommet informel de l'Union européenne (UE) tenu à Bratislava, capitale de la Slovaquie, a démontré le désordre politique qui menace, sérieusement, l'avenir commun de l'UE, pire qui l'enfonce dans une logique de confrontation qui hypothèquerait la paix avec son environnement géostratégique. D'abord une première «violence diplomatique» contre la Grande-Bretagne en l'excluant de ce Sommet alors qu'elle reste, jusqu'à preuve du contraire, membre de l'Union pour au moins les deux années à venir.

Cette sanction diplomatique et politique contre la Grande- Bretagne sonne comme un air de revanche sur la décision du peuple britannique de quitter l'Union, accusé de facto d'anti-européen alors que la Grande-Bretagne ne va pas quitter géographiquement l'Europe, ni construire un mur de séparation avec le reste de l'UE. Alors que l'UE a souvent pour habitude d'inviter à ses Sommets d'autres chefs d'Etat, à titre d'observateurs, l'exclusion de la Grande-Bretagne du Sommet de Bratislava, bien qu'elle soit encore membre de l'UE traduit, au-delà de la provocation diplomatique, le désarroi des dirigeants de l'UE à répondre au climat de scepticisme et de désaffection qui envahit les peuples européens et encore moins aux nombreux problèmes socio-économiques (chômage, sécurité, croissance économique, etc.).

Ensuite, les discours et interventions des chefs d'Etats et de gouvernements, lors de ce Sommet ont été, sinon caricaturaux, du moins terriblement pauvres et à la lisière du corpus du discours populiste, voire extrémiste. On le sait, c'est la tendance en Europe en particulier, en cette séquence de période électorale. Peut-on en conclure autrement lorsque il ne fût question, lors de ce Sommet, que d'immigration, de sécurité, de défense militaire en faisant fi des revendications sociales, au travers de manifestations quotidiennes, des peuples européens angoissés par l'avenir sombre que leur réservent le monde de la spéculation financière internationale et les appétits voraces des multinationales ? Le leader économique de l'UE, c'est-à-dire l'Allemagne a été contraint de s'aligner sur la paranoïa française, autrichienne et autre hongroise: un frein à l'immigration et une limitation drastique de l'accueil des réfugiés. Par quel moyen? De nouveaux murs sans doute. L'année 2017 s'annonce catastrophique tant pour les Européens que pour les réfugiés et migrants de la misère et du réchauffement climatique. En s'entêtant à gérer les conséquences des guerres dans lesquelles elle est largement impliquée, l'Europe ne peut échapper à son sort de réceptacle des réfugiés, victimes de ces guerres. Seule la fin de la guerre en Syrie, Libye, Irak, Yémen et ailleurs en Somalie, Afghanistan tariront le flot de réfugiés. Seule la voie politique et diplomatique donnera quelques espoirs de paix dans ces contrées meurtries, dévastées. Par quel miracle les flots de réfugiés cesseront alors que les Etats européens continuent de bombarder en Syrie, Irak et arment ouvertement ou clandestinement des milices incontrôlables en Syrie, Libye, Irak et ailleurs en Afrique? Bref, l'Europe ne peut participer, voire provoquer le chaos et la violence dans son voisinage et ne pas en subir les conséquences migratoires et sécuritaires chez elle. Le glissement de l'UE dans cette logique exclusivement sécuritaire et défensive, l'a conduit, lors de ce Sommet de Bratislava, dans la remise à l'ordre du jour d'une politique de «défense commune». Autant dire des budgets militaires qui iront en augmentation au détriment de secteurs économiques et sociaux, déjà en situation d'indigence. Cela promet des débats passionnants avec les éternels argus sur la gravité des équilibres budgétaires, les dettes publiques et privées, les déficits publics, l'austérité... enfin, la crise financière et économique. La colère des peuples travailleurs se fera entendre, les partis politiques de l'extrême droite agiteront la menace migratoire et des réfugiés et feront l'amalgame entre immigration, sécurité, terrorisme; les partis politiques classiques, y compris ceux dits de gauche et sociaux-libéraux reprendront et copieront avec un vocabulaire châtiés, le discours de l'extrême droite, à des fins électoralistes. A Bratislava, la messe a été dite par une Europe inquiète et qui inquiète.