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Diagnostiquer l'université

par Moncef Wafi

L'université algérienne est désormais placée sous le signe de la lutte contre le plagiat scientifique. L'information énoncée, comme cela peut paraître décalé, incongru à la limite, mais le plagiat a de tout temps fait partie du décor de l'université. Loin de nous l'idée d'accuser tous les universitaires de la tentation du copier-coller, cependant, le phénomène, s'il a existé par le passé à une échelle réduite, a pris toute sa mesure ces dernières années à l'ombre d'une impunité nationale qui a entaché tous les secteurs, ceux d'excellence aussi. Le plagiat scientifique est devenu presque une marque déposée et certains universitaires en ont fait un fonds de commerce juteux, au même titre que les voyages d'études à l'étranger. L'Etat, comme à ses habitudes, privilégie le côté répressif en menaçant de prison les plagiaires, qu'ils soient étudiants, encadreurs ou administratifs, et en mettant en place des logiciels «mouchards» qui détectent le plagiat. Des mesures théoriques, tant on sait que certains noms restent toujours au-dessus des lois et règles du pays. Si l'initiative est à saluer, du moins du point de vue moral, elle trahit une déliquescence de l'université algérienne et une perte de crédit irréversible excluant de fait nos universités des classements mondiaux dédiés à l'excellence. Il ne faut donc plus s'étonner du niveau de nos étudiants lorsque certains de leurs profs ont soutenu en pompant honteusement dans les travaux de leurs confrères. Si l'université algérienne est malade, ce n'est pas seulement du plagiat. Les chiffres le disent et le constat est sans appel: le taux de redoublement en première année universitaire varie, dans certaines spécialités, les sciences technologiques en tête, entre 50% et 60%, selon les conclusions du Secrétaire général du ministère de l'Enseignement supérieur, Mohamed Salah Eddine Seddiki, et on impute ces échecs à «la mauvaise orientation». L'explication se défend puisqu'en apparence, le choix premier du bachelier est souvent malencontreux si on se fie à ces statistiques qui ne disent pourtant pas combien d'étudiants de première année changent de filière, l'échec consommé. Si pour les pouvoirs publics, l'orientation est souvent responsable de cette situation, il ne faut pas exclure la politique même de notre système éducatif qui a conduit les étudiants à leurs véritables limites, une fois le bachot en poche. La nature même du baccalauréat et le système LMD sont également mis en cause par nombre de spécialistes dans cet échec assumé et consommé. Le LMD, dans sa version actuelle, pose plus de problème qu'il n'en résout alors que son abrogation n'est pas à l'ordre du jour. Instauré depuis 11 ans, le LMD, et après quelques années de sursis, a montré toutes ses limites pédagogiques et professionnelles. Les différents acteurs de l'université, entre professeurs et étudiants, n'ont cessé ces dernières années de dénoncer un système censé «universaliser» l'université algérienne en ne formant que des docteurs. Mais entre les déclarations de bonne intention et la réalité des campus, le fossé se creuse un peu plus à chaque débrayage des étudiants. Un système décrié, montré du doigt par les universitaires qui ont fait de sa révision une revendication dénonçant ses «conséquences néfastes sur l'enseignement universitaire».