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L'erreur planifiée pour véhiculer des messages

par Kharroubi Habib

Qui peut croire que les services de renseignement américains ignorent où sont positionnées en Syrie les forces du régime et surtout celles qui, dans la région de Deir Ezzor, font face aux combattants de l'organisation terroriste DAECH qui en contrôle la plus grande partie. Assurément personne. Ce qui ôte toute crédibilité à l'excuse de «l'erreur» qu'invoquent les officiels américains suite à la série meurtrière de bombardements aériens contre des positions de l'armée syrienne dans cette région effectués par l'aviation de la coalition menée par les Etats-Unis.

Tout le contexte, le timing et le choix du lieu pour cette opération sans précédent depuis que les Etats-Unis et leurs alliés interviennent en Syrie au prétexte de combattre DAECH, indique qu'elle ne relève pas de «l'erreur» mais de l'acte prémédité destiné à transmettre des messages en direction de plusieurs destinataires à la fois. Au régime syrien et ses alliés d'abord pour leur faire comprendre que l'Amérique et ses alliés ne s'estiment pas tenus à l'égard du premier au respect de la trêve négociée par Washington et Moscou. Aux alliés des Américains ensuite auxquels cette trêve fait craindre qu'elle s'est conclue au détriment de la rébellion anti-régime qu'ils soutiennent. En direction de celle-ci enfin pour la convaincre que les Etats-Unis ne l'ont pas lâchée et sont déterminés à radicaliser leur intervention en sa faveur quitte à ce que cela provoque une confrontation ouverte avec la Russie protectrice du régime. Il en a résulté une démonstration de «force» qui a foulé aux pieds et le droit international et la souveraineté de l'Etat syrien et dont la récidive risque de provoquer une conflagration généralisée.

Les Etats-Unis ont commis leur «erreur» probablement aussi pour tester les réactions de la Russie dont ils ont dû espérer qu'elles se traduiraient par une riposte qu'ils pourraient exploiter dans leur campagne diplomatique et médiatique présentant ce pays comme une menace pour la paix mondiale. Cette vision de la Russie est devenue l'angle d'attaque de l'administration américaine mise par Barack Obama au service de la candidate démocrate Hillary Clinton laquelle, à défaut de séduire ses concitoyens par son programme économique et sociétal, axe sa campagne électorale sur la prétendue menace que serait pour l'Amérique et ses alliés la Russie de Poutine contre laquelle elle promet de se montrer implacablement dissuasive en Syrie ou ailleurs.

L'opération de la coalition près de Deir Ezzor confirme enfin si besoin est que le but des Américains dans la région n'est pas l'éradication de l'organisation terroriste DAECH. En s'en prenant aux forces du régime qui font face à cette organisation près de Deir Ezzor, la coalition a créé une situation qui a permis à celle-ci de lancer une offensive contre leurs positions. Il devient probant qu'à chaque fois que DAECH se trouve en difficulté, bousculé par ses adversaires en Irak ou en Syrie, la coalition menée par les Etats-Unis s'ingénue à lui permettre de ne pas subir l'irrémédiable défaite. Ce n'est pas une théorie complotiste de voir dans la conduite de la guerre anti-DAECH menée par les Etats-Unis l'exécution d'une stratégie visant à l'affaiblir mais non à l'éradiquer totalement. Il y a en effet que pour la réussite de ces desseins géopolitiques pour le monde arabo-musulman l'Amérique a besoin que DAECH continue à jouer son rôle d'épouvantail et que, pour ce faire, il faut lui conserver ses capacités de nuisance à un niveau gérable par ses stratèges.