Peut-on rompre facilement avec ce système, le nôtre, qui
nous a noyés dans le retard, la corruption, la médiocrité et le
sous-développement ? Peut-on foncer sans risques ? Pas simple à vrai dire !
D'autant que, d'ordinaire, une rupture, quelle qu'elle soit, est un processus à
la fois complexe et douloureux qui nécessite de l'effort et du temps. D'abord
pour celui qui l'engage et la décide, ensuite, pour l'autre partie qui la
subit. C'est la période la plus cruciale de la vie où l'on se rend à l'évidence
que quelque chose se termine, que la séparation est scellée ; non négociable et
qu'on serait désormais amenés à chercher ailleurs un autre destin que celui
qu'on s'est efforcé, jusque-là, d'adopter! Ça demande
de nous du culot, de la force du caractère, une grande adaptabilité d'esprit,
des concessions et surtout du sacrifice. Ainsi, devrait-on commencer, pour
solde de tout compte, à consommer notre deuil puis à recenser nos points qu'ils
soient positifs ou négatifs dans l'unique intention de dresser l'inventaire
général de ce qu'on avait réalisé. Et aussi de connaître nos erreurs passées
pour les éviter demain, capitaliser nos expériences pour le futur et entamer
«le grand redémarrage». Bref, on n'en gardera presque rien si ce n'est la
certitude que tout est fini, remplacé par notre volonté de tourner la page,
repartir de zéro et regarder, sinon marcher avec des yeux neufs vers notre
destin.
Nos élites
peuvent-elles oser cette coupure avec ce système pourri à la racine ?
Auront-elles le courage de rejeter ce mode «très démodé» de gouvernance et
d'engager un changement graduel, réfléchi et concerté avec la société civile ?
Peuvent-elles s'y aventurer, en rompant avec la mauvaise gestion, les
pots-de-vin, le favoritisme, les passe-droits, etc.?
En réalité, derrière ce nom au premier abord dur de la rupture se cache une
réalité qui ne l'est pas moins : l'honnêteté. Autrement dit, la capacité d'être
soi-même, s'assumer, assumer ses paroles, ses idées, ses visions, ses projets
pour la société. Et également reconnaître son incapacité, s'il était le cas, à
gérer pour laisser la place aux générations montantes, aux jeunes et à tous les
autres qui sont, peut-être, plus compétents que nous. Le renoncement, dirait un
anonyme, est une vertu s'il n'est pas abandon et lâcheté ! La rupture est-elle
donc possible ? Oui ! Mais à condition qu'on ait le courage de dire : plus
jamais ça ! Plus jamais ça !