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La rupture avec le système est-elle possible ?

par Kamal Guerroua

Peut-on rompre facilement avec ce système, le nôtre, qui nous a noyés dans le retard, la corruption, la médiocrité et le sous-développement ? Peut-on foncer sans risques ? Pas simple à vrai dire ! D'autant que, d'ordinaire, une rupture, quelle qu'elle soit, est un processus à la fois complexe et douloureux qui nécessite de l'effort et du temps. D'abord pour celui qui l'engage et la décide, ensuite, pour l'autre partie qui la subit. C'est la période la plus cruciale de la vie où l'on se rend à l'évidence que quelque chose se termine, que la séparation est scellée ; non négociable et qu'on serait désormais amenés à chercher ailleurs un autre destin que celui qu'on s'est efforcé, jusque-là, d'adopter! Ça demande de nous du culot, de la force du caractère, une grande adaptabilité d'esprit, des concessions et surtout du sacrifice. Ainsi, devrait-on commencer, pour solde de tout compte, à consommer notre deuil puis à recenser nos points qu'ils soient positifs ou négatifs dans l'unique intention de dresser l'inventaire général de ce qu'on avait réalisé. Et aussi de connaître nos erreurs passées pour les éviter demain, capitaliser nos expériences pour le futur et entamer «le grand redémarrage». Bref, on n'en gardera presque rien si ce n'est la certitude que tout est fini, remplacé par notre volonté de tourner la page, repartir de zéro et regarder, sinon marcher avec des yeux neufs vers notre destin.

 Nos élites peuvent-elles oser cette coupure avec ce système pourri à la racine ? Auront-elles le courage de rejeter ce mode «très démodé» de gouvernance et d'engager un changement graduel, réfléchi et concerté avec la société civile ? Peuvent-elles s'y aventurer, en rompant avec la mauvaise gestion, les pots-de-vin, le favoritisme, les passe-droits, etc.? En réalité, derrière ce nom au premier abord dur de la rupture se cache une réalité qui ne l'est pas moins : l'honnêteté. Autrement dit, la capacité d'être soi-même, s'assumer, assumer ses paroles, ses idées, ses visions, ses projets pour la société. Et également reconnaître son incapacité, s'il était le cas, à gérer pour laisser la place aux générations montantes, aux jeunes et à tous les autres qui sont, peut-être, plus compétents que nous. Le renoncement, dirait un anonyme, est une vertu s'il n'est pas abandon et lâcheté ! La rupture est-elle donc possible ? Oui ! Mais à condition qu'on ait le courage de dire : plus jamais ça ! Plus jamais ça !